UNE FEMME ÉTRANGLE A NANTERRE
La découverte du crime
La banlieue parisienne est chaque jour le théâtre
d'attentats de toutes sortes, et les malandrins qui dévalisent les
villas isolées ne reculent pas, parfois, devant l'assassinat.
C'est ainsi que, le dimanche du Grand-Prix, une femme a été
assassinée, en plein jour, au pied du Mont-Valérien, sur une
route peu fréquentée, entre Nanterre et Puteaux.
Ce même jour, la jolie ville de Nanterre avait célébré
la fête traditionnelle du couronnement de la rosière. Des localités
environnantes on était venu en foule saluer la jeune fille qui devait
à sa réputation de courage et de vertu la couronne de roses
et, le soir tombé, chacun s'en retournait chez soi.
Il était à peu près neuf heures ; deux pompiers de Puteaux,
MM. de Cherancey et Bouché, qui avaient pris part à la cérémonie
et figuré dans le cortège de la rosière, rentraient de
Nanterre et, pour abréger la route, ils avaient pris, au pied du Mont-Valérien,
un chemin stratégique nommé naguère chemin du Calvaire.
L'endroit est toujours désert : peu ou point d'habitations; mais, dès
que la nuit tombe, il est lugubre.
Les deux passants cheminaient quand ils aperçurent, sur le côté,
dans un champ de blé vert bordant la route, à soixante centimètres
environ, quelque chose qui ressemblait à un corps étendu sur
le sol.
Ils s'approchèrent et, dans la demi-obscurité, distinguèrent
en effet, que c'était bien un corps qui était là, un
corps de femme.
La malheureuse était morte. C'était une brune, âgée
de trente cinq ans environ, de corpulence assez forte, de grande taille, de
mise très soignée.
Au cou, elle portait des ecchymoses profondes. Elle avait son corsage à
demi arraché; autour d'elle la terre était piétinée
comme si cette femme avait désespérément lutté
avant de mourir.
Aux appels des deux hommes, d'autres personnes accoururent et l'on s'en fut
avertir le commissaire de police de Puteaux.
Le soir même, on parvenait à identifier le cadavre.
C'était celui d'une institutrice anglaise, miss Henriette-Caroline
Cary, dite « Charlotte ou, du diminutif anglais de Charlotte, «
Lotte », âgée de trente-six ans, et originaire de Taunton,
canton de Somerset.
Arrivée à Paris depuis trois mois seulement, elle état
institutrice des enfants de M. Rondest, propriétaire à Nanterre.
Le jour du Grand-Prix, elle était partie seule à Longchamp pour
voir courir les chevaux anglais et aussi, avait-elle dit, « pour voir
les toilettes des Parisiennes ». C'est au retour, vers six heures du
soir, en rentrant à pied à Nanterre, sous la pluie battante,
et alors quelle n'était plus guère qu'à un quart d'heure
de la maison de M. Rondest, qu'elle fut assaillie dans le chemin désert,
traînée dans le champ voisin et étranglée.
Le Petit Journal illustré du 25 Juin 1905