LA CATASTROPHE DU « FARFADET »
Obsèques des victimes
La cérémonie des obsèques des victimes du Farfadet
a eu lieu à l'arsenal de Sidi-Abdallah avec une émouvante
simplicité.
Après l'office, dit par Mgr Tournier, les cercueils, placés
sur un wagonnet couvert de couronnes, ont été transportés
sur le remorqueur Cyclope qui, suivi du contre-torpilleur Dunois,
portant le résident général et les généraux,
et du contre-torpilleur La Hire, portant l'amiral Fournier et ses
officiers, s'est rendu à Bizerte. Les cercueils ont été
conduits alors au dépositoire du cimetière en attendant
leur transport en France.
De l'hommage rendu à la mémoire des victimes par M. Pichon,
résident général, il convient de souligner ce passage:
« C'est pour le France, a-t-il dit, que vivent et meurent les matelots
et les officiers qui ont la tâche glorieuse de veiller à
la sécurité de ses possessions et de son drapeau; c'est
à elle que les malheureux dont nous célébrons les
funérailles avec l'universel concours de nos colons de Tunisie
donnèrent, sans se plaindre, leur dernier souffle ; c'est pour
elle qu'ils s'exposaient chaque jour, avec une conscience intrépide,
au supplice d'une mort qui finit par nous les prendre et dont l'image
nous épouvante avec toutes ses complications d'horreur.
» L'idée qui soutient de tels courages et qui inspire de
telles abnégations n'est pas sur le point de sombrer dans nos disputes
d'écoles et dans nos dissensions intestines. »
Ces paroles sont bien celles qui convenaient. On ne saurait trop insister
sur ce fait que les malheureux sont morts courageusement, luttant jusqu'au
bout, ainsi qu'ils l'eussent fait, à leur poste de combat.
En adressant, avec la France entière, notre adieu à ces
serviteurs d'élite, nous pouvons, du moins, trouver un réconfort
dans la vision de leur fin héroïque. Voilà ce que sont
nos marins. Le souvenir du Farfadet ne rappellera pas uniquement
un des drames les plus atroces que jamais cauchemar ait pu égaler.
Nos équipages de sous marins, qui n'ont pas encore vu le feu, ont
désormais leurs héros, et la page, douloureuse et glorieuse
à la fois, qu'ils viennent d'écrire au livre d'or de la
marine, restera en même temps qu'une des plus tristes, une des plus
belles que nous ayons à montrer.
Le Petit Journal illustré du 30 Juillet 1905