L'ENTENTE CORDIALE

L'escadre française en rade de Portsmouth

Notre marine rend en ce moment à la flotte anglaise la visite courtoise que celle-ci lui a faite en envoyant une de ses plus belles escadres à Brest dans le courant de juillet.
C'est à notre escadre du Nord qu'est échu l'honneur d'aller montrer notre pavillon sur la côte anglaise.
Placée sous le commandement du vice-amiral Gaillard, elle se compose de 2 divisions cuirassées, 1 division de croiseurs cuirassés, 1 croiseur protégé, 7 contre-torpilleurs. Là 1re division comprend les cuirassés Masséna, commandant de Sainçay; Jauréguiberry, commandant Rabouin; Carnot, commandant Le Clerc. Ces 3 cuirassés jaugent environ 12,000 tonnes et peuvent donner la vitesse de 18 noeuds. Leur armement en artillerie, assez homogène, est formé de 2 pièces de 305 millimètres, 2 pièces de 274 millimètres, 8 pièces de 139 millimètres et un certain nombre de pièces légères.
La 2e division cuirassée réunit les 3 garde-côtes Bouvines, qui porte le pavillon de l'amiral Leygue, commandant Lamson; Amiral-Tréhouart, commandant Schilling; Henri-IV, commandant Lephay. Les deux premiers jaugent 6,600 tonnes et portent 2 pièces de 305 millimètres; 8 de 100 millimètres. Le Henri-IV jauge 9,000 tonnes et porte 2 pièces de 274 millimètres, 7 de 139 millimètres. Leur vitesse à tous trois est de 17 noeuds.
La division des croiseurs cuirassés est magnifique. Elle comprend : la Gloire,à bord duquel le contre-amiral Pucch, qui commande cette division, a arboré son pavillon; le Condé, l'Amiral-Aube et le Gambetta.
Les trois premiers jaugent 10,000 tonnes et marchent à 21 noeuds; le troisième, tout fraîchement
sorti des mains des constructions navales, constitue ce que nous avons de mieux comme croiseur cuirassé et est digne d' être montré comme un modèle.
Le Gambetta jauge 12,600 tonnes. Sa vitesse est de 22 noeuds.
Le croiseur protégé Forbin et les contre-torpilleurs Cassini, Bombarde, Bélier, Flamberge, Catapulte, Arquebuse, Baliste, complètent cette belle force navale qui réunit ainsi 18 navires de tous rangs.
L'escadre anglaise, qui reçoit nos marins dans la magnifique rade de Portsmouth, est celle qui porte le nom de Channel-Fleet (flotte de la Manche); augmentée d'une escadre de croiseurs cuirassés. Elle a à sa tête l'amiral Wilson, secondé par le vice-amiral Moore et le contre-amiral Poore.
Elle se compose de 11 cuirassés, 3 croiseurs protégés et 24 destroyers.
Parmi ces cuirassés, 6, dont l'Exmouth, qui porte le pavillon du commandant en chef, jaugent 14,000 tonnes et ont une vitesse de 19 noeuds.
Un autre, le Revenge, a le même tonnage, mais une vitesse de 17 n. 5 seulement.
Puis viennent le Coesar et l'Hannibal, avec un tonnage de 15,100 tonnes et 18 noeuds da vitesse. Ces monstres ne sont cependant pas les plus grosses unités de la marine anglaise, qui compte 6 cuirassés de 16,500 tonnes et en aura bientôt d'autres de 18,500 tonnes.
Les deux derniers cuirassés du Channel-Fleet sont le Swiflsure et le Triumph, que l'Amirauté a rachetés au Chili pour le compte duquel ils avaient été construits en Angleterre.
Trois croiseurs protégés de 5,600 tonnes, Dido, Juno et Topaze, font aussi partie du Channel-Fleet.
L'escadre de croiseurs cuirassés est placée sous le commandement du contre-amiral Neville, qui a son pavillon à bord du Good-Dope, de 14,100 tonnes et 23 noeuds. Les cinq antres unités de cette division, qui portent les noms de Kent, Antrim, Monmoulh et Douegal, ont 10,000 tonnes de déplacement avec la même vitesse de 23 noeuds.
Les forces anglaises qui ont reçu notre escadre devant Portsmouth comptent donc 44 unités.
Notre escadre du Nord arrivée devant Portsmouth, le 7 août à 11 heures du matin, quittera la côte anglaise le 14.
Les fêtes battent leur plein. Tout ce dont est capable l'hospitalière nation anglaise a été mis en oeuvre pour faire au pavillon français et à ceux qui le portent une réception inoubliable.
Le roi d'Angleterre a voulu donner aux hôtes de l'Angleterre un témoignage particulier et éclatant de sa sympathie. Il a reçu à dîner à bond du yacht royal Victoria and Albert les officiers généraux et supérieurs de l'escadre française, et, le mercredi 9 août, il a passé en revue notre flotte et accepté à déjeuner à bord du Masséna.
Ce sont là des indications précieuses de la portée qu'on entend donner en Angleterre aux manifestations de sympathie qu'échangent deux nations faites pour s'entendre et que les mots, désormais célèbres, d'entente cordiale, caractérisent si bien.

Le Petit Journal illustré du 13 Août 1905