Un couple vénérable
Augustin Farion, le centenaire de Verjux, et Anne Gaudillot, sa femme.
Dans l'effondrement de toutes
nos traditions, une chose, cependant, subsiste encore quelquefois : le respect
dû à la vieillesse. En toutes nos régions françaises,
on se fait un devoir de fêter avec quelque solennité ceux qui,
après une longue existence de travail, parviennent jusqu'à
la centième année de leur âge, ou encore les 'ménages
heureux qui, après dix lustres de mariage, peuvent célébrer
leurs noces d'or.
Parmi les cérémonies de ce genre, celle qui vient de se dérouler
dans la petite commune de Verjux, à trois kilomètres de Gergy,
canton de Verdun-sur-Saône, dans le département de Saône-et-Loire,
a droit à une mention toute spéciale.
On y a célébré avec solennité le centenaire
d'un brave travailleur, Augustin Farion, vigneron, de son état, né
le 28 thermidor an XIII, c'est-à-dire dans la première année
de l'Empire.
Mais, ce qui rendait la cérémonie plus touchante, c'est que
la digne compagne du centenaire, Anne Gaudillot, qui, elle, naquit dans
la dernière année du règne de l'empereur, le 7 Mars
1815, et, par conséquent, est âgée de quatre-vingt-dix
ans, y a eu sa large et juste part.
Les deux époux sont unis depuis le 4 Mars 1832. Ils ont donc plus
de soixante-treize ans de mariage ; et, en même temps que le centième
anniversaire du mari, on célébrait aussi leurs « noces
de platine ».
Ces braves gens vivent d'une petite rente que leur sert un propriétaire
du pays, et de l'élevage de volailles que la femme va vendre encore
au marché de Gergy.
La cérémonie fut une occasion de réjouissances pour
la commune, où les époux Farion ont l'estime de tous. Le village
entier les accompagna à l'église; et les vénérables
époux manifestèrent une joie réelle en voyant tant
de monde sur leur passage.
Un cortège d'octogénaires leur faisait escorte. Le garçon
d'honneur des jubilaires, propre, neveu de M.Farion, est âgé
de quatre-vingt-six ans ; la demoiselle d'honneur en a quatre-vingt-sep
Après les cérémonies il y eut un banquet auquel prirent
part enfants et petits-enfants des centenaires; puis, le soir, un bal champêtre
auquel les jubilaires assistèrent un instant. Après quoi,
l'âme pleine de douces émotions, ils regagnèrent l'humble
logis qui abrita leur longue et calme existence, toute de travail et de
simplicité.
Le Petit Journal illustré du 3 Septembre 1905