LA NAVIGATION DU NIGER, DE KOULIKORO A TOMBOUCTOU


Les hommes du commandant Le Blévec transportant les pièces des navires . 

La courageuse initiative de nos explorateurs et de nos officiers ne connaît pas d'obstacles. Voici que, grâce à leurs efforts, un service régulier de navigation va fonctionner sur le Niger.
Déjà des bateaux à vapeur de petite dimension naviguent entre Koulikoro et Tombouctou. Tous les quinze jours, de chacun de ces points, qui sont distants de 980 kilomètres, partent deux petits « steam-boats », le René-Caillé et le Davoust. En principe, durant les basses eaux, ils ne doivent porter que les sacs de la poste. Mais ils ont un « rouf », une cuisine, d'autres « dégagements » tout aussi indispensables et peuvent recevoir plusieurs passagers. Et l'année prochaine, de grands bateaux à vapeur flotteront sur le Niger, emportant les marchandises en même temps que les voyageurs.
C'est au lieutenant de vaisseau Le Blévec qu'on doit ces résultats. Il avait été chargé par le gouverneur de l'Afrique occidentale française de mener à bien cette oeuvre, sous la direction de M. Ponty, gouverneur du Haut-Sénégal et Niger. Il avait sous ses ordres les enseignes de vaisseau Millot, Lefranc et Bange, et le lieutenant d'artillerie Clerc.
Le commandant Le Blévec a raconté toutes les péripéties du voyage qu'il vient d'accomplir pour assurer le service fluvial du Niger.
A Saint-Louis, où ses deux bateaux lui sont parvenus démontés et constituant un ensemble de quarante et un colis, il a procédé à leur montage et il a remonté le fleuve jusqu'à Kayes, à 900 kilomètres du point de départ. Le voyage fut rude. A maintes reprises, l'équipage entier dut se mettre à l'eau pour tirer les navires sur des fonds de sable, et le commandant Le Blévec eut toutes les peines du monde à trouver un chenal pour franchir le grand rapide de Tambouckané.
Enfin, on parvint à Kayes.
Là il fallut démonter à nouveau les navires pour les embarquer sur le chemin de fer du Soudan. Cette manoeuvre de force, consistant à hisser; sur une berge élevée de 10 mètres et distante de 60 mètres du point d'accostage, les vedettes et leurs chaudiè
res et à les placer ensuite sur les plates formes de la voie ferrée, est certainement le plus rude et le plus difficile des travaux de la campagne. Huit mortelles journées sous un soleil de plomb, avec l'angoisse continuelle d'une catastrophe qui eût non seulement tout détruit, mais encore tué ou blessé les hommes.
« C'est là, dit le commandant Le Blévec, que j'ai vu tout l'entrain, le dévouement alerte et joyeux et la souple discipline que l'on peut attendre de nos marins quand il s'agit d'un travail délicat, voire dangereux. Grâce à eux, tout s'est passé sans avaries, sans le moindre incident. »
De Kayes on gagna, par chemin de fer Koulikoro, qui doit devenir le centre « maritime » du Soudan. Les bateaux furent remontés une seconde fois, et l'on se mit en route pour Tombouctou, où l'expédition arriva sans encombre.
Le commandant Le Blévec, qui poursuit son oeuvre avec énergie, va commencer l'amélioration et la stabilisation du cours du fleuve, et il espère que, l'an prochain, la flotte du Niger sera définitivement constituée.
En tout cas, on peut dire que dès maintenant Tombouctou est à 19 jours de Paris:
Paris-Bordeaux, 1 jour, voie ferrée.
Bordeaux-Dakar, 8 jours, Messageries maritimes.
Dakar-Saint-Louis,. 1 jour, voie ferrée.
Saint-Louis-Kayes, 3 jours, Messageries fluviales du Sénégal.
Kayes au Niger, (Koulikoro), 2 jours, voie ferrée.
Koulikoro-Tombouctou, 4 jours, flotte du Niger.
LeNiger attend maintenant ses premiers touristes !

Le Petit Journal illustré du 3 Septembre 1905