CAMBRIOLEURS MEURTRIERS

Assassinat du veilleur de nuit, M. Florent Falla

Les dévaliseurs de bijouteries continuent la série de leurs méfaits. Mais, cette fois, ils ne se contentent plus de voler : ils assassinent.
Au n° 160 de la rue du Temple, dans les ateliers de M. Crossard, ciseleur de médailles et sertisseur de bijoux, des voleurs se sont introduits, tandis que M. et Mme Crossard se trouvaient à la campagne.
Mais, comme les magasins étaient gardés par un veilleur de nuit, les bandits se sont jetés sur lui et l'ont étranglé après l'avoir ligotté.
On a trouvé, au matin, le cadavre encore chaud du malheureux Florent Falla.
Il avait le cou entouré d'une lanière de cuir ; ses bras étaient liés avec sa blouse blanche, ses pieds réunis à l'aide d'une serviette roulée.
Les malfaiteurs avaient emporté de l'or, des bijoux et des perles pour une somme de 70,000 francs.

***
La victime, M. Florent Falla, « le père Florent », comme on l'appelait dans la maison, où il travaillait depuis cinquante-huit ans était un vieux serviteur fidèle et dévoué, pour lequel chacun, dans la maison, avait une grande estime et un réel attachement. Il y a quelques semaines, il s'était vu décerner la médaille d'honneur, récompense de ses bons et loyaux services.
Ses patrons avaient en lui une telle confiance, qu'ils le considéraient un peu comme de leur famille.
Toujours présent à l'atelier, en dépit de son âge, le vieil ouvrier était, de plus, chargé de l'encaissement des factures et de la garde des locaux en leur absence.
Pendant la saison d'été, M. Crossard partait régulièrement pour la campagne le samedi soir, pour ne rentrer que le lundi matin; c'est au « père Florent » qu'était confiée la surveillance de l'appartement.
Au lieu de dresser son lit dans la cuisine, comme il le faisait d'ordinaire, le vieillard, ces nuits-là, l'installait dans l'antichambre pour mieux surveiller l'entrée.
C'est là qu'il a été surpris par les cambrioleurs assassins, là qu'il est mort étranglé avec une courroie, victime de sa fidélité et de son dévouement à ses patrons.
Grâce à l'habileté de l'éminent chef de la Sûreté, M. Hamard, et de ses dévoués agents, les trois assassins, dont le plus jeune a 16 ans à peine, ont été arrêtés jeudi dernier.
Combien d'effroyables crimes comme celui-ci devraient donner à réfléchir aux magistrats et aux jurés, si accessibles aux idées humanitaires à la mode et aux belles tirades larmoyantes des avocats défenseurs spécialistes de ces misérables ?
Certes, quelques-uns de ces criminels sont susceptibles, parfois, d'inspirer quelque compassion : mais leurs victimes, ces malheureux vieillards, ces jeunes filles, ces femmes sans défense, ces braves travailleurs revenant, à la nuit, de leurs occupations, ne sont-ils pas aussi très intéressants ?
A voir la façon dont on traite maintenant les assassins, on croirait qu'eux seuls sont intéressants. Il n'y a pas d'égards qu'on ne leur prodigue.
On voit à quels résultats on arrive. Chaque jour, le nombre des crimes augmente il n'y a guère plus de sécurité pour les honnêtes gens.
Et c'est là le moment que les politiciens choisissent pour parler de supprimer la guillotine !

Le Petit Journal illustré du 10 septembre 1905