
DANS LE MASSIF DE L'ARGENTIÈRE
Une lutte entre alpinistes et
chamois
Un membre du Club Alpin de Nice
et deux guides, qui poursuivent une exploration du massif de l'Argentière,
dans les Hautes-Alpes, ont fait, ces jours derniers, une impressionnante
rencontre.
Arrivés sur une arête coupée par un pic vertigineux,
ils eurent la surprise de se trouver subitement en présence de
sept chamois, à quelques mètres de distance. Le fait était
pour eux d'autant plus inattendu qu'ils n'ignoraient pas que le chamois
est un animal prudent et circonspect entre tous.
Chaque troupe de chamois, en effet, est sous la conduite d'un guide et
ne s'arrête jamais sans placer des sentinelles aux points où
la vue s'étend en tous sens. Lorsque le guide flaire un danger,
il siffle violemment comme une sirène de navire, frappe le sol
d'un de ses pieds de devant, et toute la bande prend la fuite avec une
agilité inouïe.
Cette fois, la troupe des chamois avait manqué à ses précautions
accoutumées. Prisonniers entre des grottes et un précipice,
les animaux n'avaient d'autre moyen de salut qu'en cherchant à
se frayer un passage au milieu des alpinistes. La lutte s'engagea. Les
pierres tombaient dru sur les chamois, menacés en même temps
par le piolet, la seule arme qui fût entre les mains des voyageurs.
La victoire resta définitivement aux chamois qui, par leur surprenante
agilité et leur vigueur, surent se frayer un passage au milieu
des assaillants.
Les hardis chasseurs qui, chaque année, vont dans le Tyrol, la
Savoie ou le Valais, poursuivre cet insaisissable gibier et pour qui les
dangers de cette chasse présentent un véritable attrait,
vont éprouver quelque regret à la vue de notre gravure :
que ne donneraient-ils pas, en effet, pour une pareille rencontre ?
Le Petit Journal illustré
du 1er Octobre 1905
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