
LE CONGRÈS RÉGIONALISTE
EN BRETAGNE
Une fête pittoresque pour
la conservation du costume breton
L'Union régionaliste bretonne
a tenu, à Saint-Pol-de-Léon, son huitième congrès,
sous la présidence de son directeur général, le marquis
de L'Estourbeillon, qu'elle vient de réélire, à l'unanimité,
pour trois ans.
Un grand nombre de congressistes étaient présents aux séances
d'études : les bardes, les chanteurs mêlés aux historiens,
aux linguistes, aux économistes et aux littérateurs.
Car l'Union embrasse toutes les questions qui touchent aux intérêts
matériels, moraux et intellectuels du pays, et, dans son oeuvre,
les comices agricoles succèdent aux conférences, aux représentations,
aux manifestations diverses pour la conservation des moeurs, de la langue
et des costumes locaux.
Nulle région ne pouvait, mieux que celle choisie par le congrès,
rappeler éloquemment à l'Union régionaliste bretonne
le souvenir des aïeux. La cathédrale de Saint-Pol-de-Léon
et le Kreisker, les églises de Berven et de Roscoff sont des merveilles
de l'art architectural du moyen âge. Il en est de même des
châteaux de Kérouzéré et
de Kerjean, dont les propriétaires, MM. du Rusquec et de Coatgoureden,
avaient ménagé aux congressistes la plus chaleureuse réception.
Dans la grande cour de cette dernière demeure seigneuriale ont
été jouées, devant plusieurs milliers de spectateurs,
les pièces bretonnes, Job al lounker et Alanick al louarn.
Les jeunes filles des plus anciennes familles du pays, vêtues d'admirables
costumes bretons, y ont organisé une vente de charité.
Partout où les congressistes excursionnaient, les municipalités
offraient le vin d'honneur ; au son des binious et des bombardes, les
habitants venaient au-devant d'eux dans leurs plus brillants costumes
; les acclamations et les toasts n'en finissaient pas ; on eût dit
vraiment que l'âme de la Bretagne passait avec eux.
Dans un îlot couvert de landes, qui s'élève au milieu
de la rade de Roscoff, s'est tenu le gorsedd breton. Les druides,
les bardes, les ovates, en robe bleue ou verte, ont reçu de nouveaux
adeptes. Des centaines de curieux ont suivi avec intérêt
cette cérémonie qui symbolise bien le mouvement panceltique.
Des séances ont été consacrées à l'étude
de la crise sardinière ; d'autres à l'examen des excellents
résultats obtenus par les dames bretonnes dans leur campagne en
faveur de la renaissance de la dentelle. Mais les fêtes les plus
originales furent celles qui réunirent, dans leurs costumes locaux,
des habitants de toutes les parties de la province. On vif là s'épanouir
l'art naïf de tous ces costumes si pittoresques, dont la tradition
finirait malheureusement par se perdre si de telles entreprises n'étaient
là pour la perpétuer.
Parmi les Bretons, ceux-là mêmes qui auraient eu quelque
tendance à abandonner le vieux langage et à prendre «
les modes des villes » sont à présent attachés
plus solidement qu'auparavant à leurs coutumes, car ils ont remarqué
avec plaisir que tous les jeunes gens de la noblesse et de la bourgeoisie
du pays se faisaient un honneur de porter, dans ces fêtes, le costume
traditionnel, et ils ont entendu avec joie les bardes parler avec eux
l'idiome d'autrefois.
Ce sont là des exemples salutaires et féconds, puisqu'ils
apprennent au peuple des campagnes à apprécier la beauté
de sa langue, la grandeur de son caractère et l'originalité
de ses traditions.
Le Petit Journal illustré
du 1er Octobre 1905
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