LE VOL DU COMPTOIR- D'ESCOMPTE
Jean Gallay et
Valentine Méréli chez le juge d'instruction.
Cette affaire est entrée dans une phase nouvelle. Les héros
de l'équipée de Bahia ont regagné leur bonne ville
de Paris où la foule leur a fait un accueil enthousiaste et narquois
: « Vive Gallay !. Vive. Méréli ! » a-t-on crié
sur leur passage... Comme quoi la popularité s'acquiert parfois sans
qu'on s'en doute, et surtout sans qu'on la mérite...
L'instruction est commencée. Et le juge, M. Bourdeaux, paraît
décidé à la mener rondement.
C'est- là, dans le cabinet du juge d'instruction, qu'apparaît
nettement le caractère des inculpés.
Dès les premiers interrogatoires, Gallay a montré que ses
moyens de défense seraient variés. Tantôt exalté
et sentimental, tantôt calme et précis, il objurgue le juge
de rendre la liberté à sa compagne, ou bien il discute et
expose les raisons qui lui ont fait commettre ses détournements.
Il plaide l'amour, l'aveuglement, la folie passagère que fait naître
une passion effrénée. S'il a volé, c'est pour faire
à celle qu'il aimait une vie tissée de jours heureux. Mais
lui seul est coupable..., elle est innocente... « C'est un ange, dit-il...
Relâchez-la, monsieur le juge, ou sans cela, c'est ma vie que vous
prenez !... »
Tout cela n'est pas maladroit. Vrai ou faux, le système a du bon
et peut réussir dans un pays où les héros d'affaires
passionnelles sont généralement traités avec indulgence.
Mais les juges d'instruction sont heureusement cuirassés contre les
crises de sentimentalisme.
Quoi qu'il en soit, Gallay semble fort affecté.
Tout autre est l'attitude de Valentine Méréli. Insouciante,
légère et minaudière, celle-ci ne prend rien au tragique.
Et, nouvelle Phryné, elle compte fort que le charme de sa personne
impressionnera favorablement ses juges.
Quant à Marie Audo, la bonne, c'est une simple comparse dont la figure
s'estompe de plus en plus, au fur et à mesure que l'action se déroule.
Les deux protagonistes sont d'ailleurs de taille à en soutenir à
eux seuls l'intérêt ; et l'affaire Gallay, à coup sûr,
n'a pas fini d'intéresser les nombreux amateurs de causes sensationnelles.
Le Petit Journal illustré du 22 Octobre 1905