A PANAMA

La police de Colon assaillant 150 ouvriers français sur le pont du vapeur « Versailles »
Pour les travaux du canal de Panama, le vapeur Versailles amenait récemment de la Martinique à Colon six cent cin
quante ouvriers français engagés par contrat.
Mais ces hommes ayant appris en route quelle était la situation des travailleurs sur cette terre malsaine et infestée de fièvres, refusèrent de débarquer en arrivant au port.
Les autorités intervinrent et réussirent à à décider 500 hommes à débarquer, mais les 150 autres persistèrent dans leur refus de descendre à terre.
On appela alors la police, dont un détachement était armé de fusils et de baïonnettes. Les agents se présentèrent à bord sans que les ouvriers changeassent d'attitude ; on leur accorda un délai de deux heures pour réfléchir, et comme, ce délai écoulé, ils refusaient encore de quitter le navire, on lança sur eux la police. Ce fut une scène terrible, les agents armés de gourdins se jetèrent sur les malheureux qu'ils frappèrent et assommèrent , bientôt le pont fut couvert de sang, 50 des ouvriers se jetèrent à la mer et furent recueillis par des embarcations envoyées à leur secours par le commandant du Versailles.
Il n'est pas un seul des 150 hommes qui n'ait reçu quelques blessures. Ils ont été expédiés par chemin de fer à Curozel.
A la fin de 1903, lorsque fut proclamée l'indépendance de l'État de Panama et que fut conclu l'arrangement qui déléguait aux États-Unis le soin d'achever le percement de l'isthme; la France fut des premières à reconnaître la nouvelle république.
« Cette gracieuse et rapide reconnaissance, disait alors M. Bunau-Varilla, ministre, plénipotentiaire de Panama à Washington, a été accueillie avec grande joie par le gouvernement et par le peuple de l'isthme... »
Or, il semble bien que, depuis moins de deux ans, les autorités de Panama ont perdu le souvenir de cette gracieuseté française ; et il faut avouer, en tout cas, que faire assommer des nationaux français par leurs agents de police, c'est là une étrange façon de témoigner leur reconnaissance à la France.

Le Petit Journal illustré du 29 Octobre 1905