UNE FERMIÈRE ATTAQUÉE PAR DES BOHÉMIENNES

Un campement de Romanichels s'était installé, ces jours derniers, à Terreneuve, dans la banlieue de Montluçon, et sur la route nationale qui mène de cette ville à Limoges.
Deux femmes de la tribu, deux de ces impudentes filles de Bohème, Augustine et Angèle Wintersheim, qui, bien que « romanées » de pure race, sont nées en Belgique au hasard des déplacements de leur famille, s'en allaient, mendiant par les chemins.
Elles pénétrèrent ainsi dans la ferme de Mme Coury.
- Nous voulons du lait, du pain et du beurre, dirent-elles sur un ton menaçant.
Mme Coury ayant répondu qu'elle ne possédait pas ce qu'on lui demandait, les deux bohémiennes s'élancèrent sur elle et, tandis que l'une, lui serrant la gorge, cherchait à l'étrangler, l'autre l'assommait à coups redoublés d'un pot en fer.
Étourdie et allant perdre connaissance, Mme Coury, par un effort désespéré, put se dégager et crier : « A l'assassin ! » Ses cris furent entendus par un chasseur, M. Triplier, et par le mari de la fermière, qui accoururent à son secours et la trouvèrent fort grièvement blessée.
Les deux bohémiennes prirent la fuite, mais elles ne tardèrent pas à être arrêtées. Elles ont été écrouées à la prison de Montluçon, sous l'inculpation de tentative de meurtre.
Ces deux jeunes « romanées », qui avaient déjà commis un vol dans un village voisin, promettent pour l'avenir, car elles sont âgées respectivement de quinze et de dix-sert ans.

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Cette agression, commise en plein jour, n'attirera-t-elle pas l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité d'assurer d'une façon plus efficace la tranquillité des campagnes ?
L'audace des trimardeurs et des chemineaux grandit de jour en jour. Les statistiques criminelles avouent qu'il y a en ce moment sur nos routes de France 20,000 individus sans domicile, ne disposant d'aucune ressource régulière et ne se livrant à aucun travail habituel. Et les tribus de Romanichels ne sont pas comprises dans ce chiffre !
Que deviendront nos campagnes, quelle sécurité y pourra-t-on espérer si l'État ne se préoccupe pas d'enrayer un tel fléau ?

Le Petit Journal illustré du 12 Novembre 1905