LES FEMMES HÉROÏQUES

Philis de La Tour du Pin de la Charce à laquelle la ville de Grenoble va élever une statue

L'histoire de l'héroïsme féminin est encore à faire. Lamartine, cependant, lui a consacré des pages sublimes:
« Par la pitié, dit-il, les femmes se dévouent ; par l'enthousiasme, elles s'exaltent. Exaltation et dévouement, n'est-ce pas là tout l'héroïsme ?
» Toutes les nations ont, dans leurs annales, quelques-uns de ces miracles du patriotisme dont une femme est l'instrument. Quand tout est désespéré dans une cause nationale, il ne faut pas désespérer encore, s'il reste un foyer de résistance dans un coeur de femme... »
Toutes les nations ont de ces miracles du patriotisme féminin. Oui, sans doute ; mais aucune nation peut-être n'en compte autant dans ses annales que la France.
Depuis les temps de la résistance des Gaules contre Rome, depuis Velléda, combien de femmes ont, par leur exemple, entraîné, dans notre pays, les enthousiasmes et les courages !
Faut-il rappeler les hauts faits des femmes françaises aux Croisades, de la Dame aux Jambes d'Or, de Marguerite de Hainaut, de Florine de Bourgogne, et ceux des Toulousaines contre Simon de Montfort ? Faut-il glaner à travers l'histoire héroïque de la France tant de noms féminins qui devraient être illustres et que nous ne connaissons pas assez : Marguerite de Provence, Jeanne de Navarre, Isabelle de Conches, au XIII siècle ; au XIVe siècle, Athénaïs de Créquy, l'ennemie du Prince Noir ; puis Jeanne de Montfort et Jeanne de Blois, Julienne du Guesclin, la digne sueur du grand connétable : au XVe siècle, Marguerite de Bressieux, Jeanne des Armoises, Jeanne Hachette ; au XVIe siècle, toutes les héroïnes de la Ligue, depuis les dames de Marseille, au siège de 1524, jusqu'aux dames d'Arbois, à celui de 1595 ; et Marie Fourré la Péronnaise, et Jeanne Maillotte la Lilloise, et Renée de Balagny, la Cambrésienne, et Louise Labé, la Belle Cordière, aussi habile à faire des vers qu'à manier l'épée ; et les Frondeuses ? Sous Louis XIV, la femme mousquetaire et la femme dragon ; puis la cohorte immortelle des femmes de la Révolution et de l'Empire ; et, enfin, la femme soldat de 1870, Antoinette Lix, qui fut lieutenant de francs-tireurs ?
La seule énumération des hauts faits de toutes ces héroïnes nous entraînerait loin ; mais si nous ne pouvons leur rendre cet hommage en bloc, du moins nous est-il permis, lorsque se produit quelque événement qui ramène le nom de l'une d'elles au premier rang de l'actualité, de rappeler ses titres à l'admiration de la postérité.
Le Supplément illustré du Petit Journal se plaît à faire revivre ces nobles et belles figures des héroïnes françaises.
A plusieurs reprises déjà, il a popularisé par la gravure les hauts faits de quelques-unes d'entre elles.
C'est une oeuvre qu'il se propose de poursuivre dans l'avenir.
Aujourd'hui, en raison de l'hommage que la ville de Grenoble va rendre prochainement à la mémoire de Philis de La Tour du Pin de la Charce, nous avons consacré notre gravure de huitième page à l'héroïne qui, il y a deux siècles, dirigea, dans cette belle contrée d'énergie et de patriotisme, la résistance contre l'ennemi, à celle que l'histoire appelle « l'héroïne du Dauphiné ».

Le Petit Journal illustré du 19 Novembre 1905