NAUFRAGE DU STEAMER « HILDA » DEVANT SAINT-MALO

Le sauvetage des survivants

Depuis la perte du steamer marseillais Liban, nos régions maritimes n'avaient pas eu à déplorer pareille catastrophe.
Cette fois, le deuil atteint une partie de la Bretagne, cette contrée si accueillante et si pittoresque qu'on a appelée « la Côte d'Émeraude».
Dans une tempête de neige, en pleine nuit, un navire s'est englouti à quelques encâblures du port de Saint-Malo, à 150 mètres d'un phare.
Comment se produisit l'épouvantable accident ?... Le capitaine avait-il vu les feux du phare du Jardin qui éclairent l'entrée de la rade de Saint-Malo ? Il fit siffler sa sirène et lança des fusées de détresse... En vain. Tout à coup, un craquement terrible se fit entendre. Le navire venait de porter sur une roche. L'eau envahit la coque et la machine fit explosion. Sur le pont régnait une stupeur tragique. Et l'on vit alors ces matelots et les passagers bretons du bateau - de braves marchands d'oignons de Roscoff qui revenaient d'Angleterre au pays - on vit ces hommes, sans souci du péril qu'ils couraient eux-mêmes, tenter le sauvetage des femmes et les enfants.
Mais tout fut inutile. Le bateau se brisa en deux tronçons ; les vagues balayèrent les malheureux qui s'étaient rassemblés sur le pont ; la dunette s'effondra, entraînant le capitaine avec elle ; le grand mât, sur lequel cinquante naufragés s'étaient réfugiés, chancela et s'abattit dans la mer. Seul, le mât de misaine résista aux efforts de la tempête. Douze hommes s'y étaient accrochés. Six lâchèrent au cours des douze heures d'angoisse qui s'écoulèrent entre le moment où se produisit la catastrophe et celui où le sauvetage fut opéré.
Quand, le lendemain, à dix heures du matin, le canot du vapeur Ada put enfin approcher de l'épave, ces hommes étaient à demi morts de fatigue et de froid.
Ce n'est pas seulement sur la côte bretonne, c'est par toute la France que les tragiques détails de cette catastrophe ont suscité une émotion profonde faite de pitié douloureuse et de respect pour ces victimes que tant de courage et d'héroïsme n'ont pu préserver.

Le Petit Journal illustré 3 Décembre 1905