EXPLOIT DE BRACONNIERS

Garde-chasse enfoui vivant, dans un terrier, par deux bandits


L'acte criminel que représente notre gravure de huitième page pourrait paraître invraisemblable au début du XXe siècle, tant il dénote de sauvagerie de la part de ses auteurs. Il s'est pourtant déroulé, ces jours derniers, sur le territoire de la commune des Essards, non loin de Chinon.
Un garde-chasse en tournée venait de surprendre deux braconniers en flagrant délit. Malgré l'attitude menaçante des
deux hommes, il marcha sur eux sans hésiter et les somma de lui livrer leurs noms. Les deux hommes se jetèrent sur lui et, pendant que l'un d'eux le maintenait, l'autre le frappait avec la dernière brutalité.
Quand le pauvre garde, succombant sous les coups, s'affaissa, ses deux agresseurs ne jugèrent pas leur vengeance assouvie. Ils méditèrent d'atroces projets. Et voici celui qu'ils mirent à exécution.
L'ouverture d'un terrier se trouvait proche. Ils traînèrent jusque-là leur victime, lui enfoncèrent la tête dans le trou, et, par un raffinement de cruauté, élargirent, à coups de talon de botte, l'entrée du terrier, pour y faire pénétrer encore les épaules du garde. Ils le poussèrent tant qu'ils purent, et, lorsque la moitié du corps fut enserrée dans l'étui qu'ils avaient ainsi façonné, ils reculèrent de quelques pas pour jouir du spectacle barbare qu'ils s'étaient ménagé.
Pourtant, le garde arriverait peut-être, à force d'efforts, à se dégager. Les bourreaux ne voulurent pas que leur victime pût échapper ainsi au supplice. Entre les jambes du malheureux, ils enfoncèrent, de manière qu'il lui fût impossible de faire un mouvement en arrière, un énorme pieu. Puis, jugeant que l'infortuné allait périr là où ils l'avaient laissé, après une agonie épouvantable, les deux misérables s'éloignèrent.
Cependant, la femme, du garde, inquiète de ne pas le voir rentrer pour le repas du soir, s'était mise à sa recherche. Par bonheur, elle vint à passer près de la clairière où son mari avait été assailli par les braconniers. Et, malgré l'épouvante dont la remplit le spectacle affreux qui s'offrit à elle, elle put aller chercher du secours. On arriva juste à temps pour sauver le malheureux garde, qui à demi asphyxié, râlait déjà.

Le Petit Journal illustré du 10 Décembre 1905