LES MANIFESTATIONS DU 1er MAI A PARIS

Une charge de cavalerie
Paris eut, le 1er Mai, une physionomie bien particulière. Alors que dans tous les quartiers du Centre et de l'Ouest la vie semblait arrêtée, le mouvement s'était concentré sur la place de la République et ses alentours. Mais aussi, quel mouvement !. Quelle agitation plutôt !
Nombre de corporations chômaient. En plus d'une usine, en maintes maisons de commerce, c'était d'accord même avec les patrons que les ouvriers et les employés avaient cessé le travail. Et la plupart de ces braves gens n'étaient pas parmi les manifestants. Ils avaient préféré passer en famille cette journée de chômage, plutôt que d'aller dans la foule risquer quelque horion.
Pourtant, la multitude était grande, aux abords de la Bourse du Travail.
Bref, il y eut des bousculades, quelques échauffourées, quelques bagarres ; mais, grâce à l'énergie du préfet de police, si bien secondé par ses collaborateurs habituels, grâce à la vigueur des agents et des soldats, tout s'est passé sans incidents graves.
Une fois de plus, la police a pu faire une constatation, jusqu'à un certain point réconfortante : c'est que, dans la tourbe des agitateurs, dans la foule hurlante qui chante des refrains incendiaires, se rue sur les marchés pour les piller, jette des pavés à la tête des défenseurs de l'ordre, renverse des voitures, élève des barricades, les vrais travailleurs sont extrêmement clairsemés et les citoyens français n'entrent que pour une infime proportion
La plupart des manifestants arrêtés le 1er Mai sont ou des apaches, des repris de justice bien connus de la préfecture, ou bien des agitateurs étrangers qui reconnaissent l'hospitalité qu'on leur donne en fomentant le désordre et l'émeute.
N'était-ce pas encore un étranger, un Russe, cet anarchiste qui fut, jeudi dernier, au bois de Vincennes, victime de la bombe qu'il portait ?
Il est grand temps de prendre des mesures contre tous ces émeutiers, malandrins de Paris, ou agitateurs étrangers.
Quelques rafles débarrassant Paris des premiers, quelques expulsions balayant les seconds hors de France... et le pays reprendrait vite la confiance et le calme dont il a grand besoin pour faire des affaires.

Le Petit Journal illustré du 13 Mai 1906