L'HIVER A PARIS

La capitale où l'on patauge
Richepin a fait, naguère, une fort jolie ballade, dans laquelle il croit pouvoir affirmer que la neige est blanche... Laissez-moi vous en citer une strophe :

Aucune chose n'est certaine,
La rose, d'un rose incertain,
Devient jaune dans la huitaine ;
Telle femme, jeudi matin,
Était coiffée en blond châtain,
Qu'on revoit rousse le dimanche.
Le cheveu de femme se teint,
Mais je crois que la neige est blanche.

Eh oui, bon poète, la neige est blanche partout... sauf à Paris !
A Paris, la neige est d'une couleur ignoble ; elle est sale, fangeuse ; à peine tombée, elle se mue en boue pour le plus grand déplaisir des pauvres Parisiens.
Il y a pourtant une administration de la voirie, une importante administration qui émarge au budget municipal pour la jolie somme de 3,400,000 francs par an rien que pour l'enlèvement des boues et des ordures, et qui dispose d'un « corps de balais » comprenant plus de deux mille figurants. Mais ces fonctionnaires n'aiment sans doute pas se promener par les mauvais temps, car, dès qu'il neige, ils se montrent le moins possible au dehors.
Alors nos boulevards, nos places et nos rues ne sont plus que cloaques et marécages, et Paris présente l'aspect lamentable que rend fort exactement la gravure de notre première page.
Ce sont là, me direz-vous, petits inconvénients de la saison... Soit ! Mais on pourrait nous les éviter, ces inconvénients, ou tout au moins les atténuer.
Nous payons assez cher pour ça !

Le Petit Journal illustré du 13 Janvier 1907