PARIS DANS LES TENEBRES
Les abords de la place Clichy, le soir
de la grève des électriciens
Des lanternes vénitiennes pendues aux
devantures des cafés, des bougies plantées sur les tables,
et, de-ci de-là, des agents armés de torches, éclairant
et guidant les passants, voilà le spectacle inattendu qu' on
put contempler, ce soir-là, sur tous les points de la ville où
l' éclairage est d' ordinaire assuré par l' électricité
seule.
On se fût cru transporté d' un siècle en arrière.
Ce fut le triomphe de la bougie et du quinquet. Les boulevards étaient
sombres, privés de ces affiches lumineuses qui virevoltent, tournoient
au-dessus des passants et les éblouissent de leurs feux.
Le Parisien né malin, le Parisien désoeuvré surtout,
prit vite son parti de l' aventure. il s' en amusa, Mais tous ceux qui
vivent des plaisirs de la foule, tous les petits, tous les humbles s'
en attristèrent, car les théâtres et concerts durent
fermer leurs portes, et nombre de pauvres diables subirent, de ce fait,
une perte cruelle.
Par la volonté de quelques-uns, la vie normale de Paris fut ainsi
bouleversée. L' opinion publique, en général, jugea
sévèrement les fauteurs de troubles de ce genre, qui sacrifient,
de gaité de coeur, les intérêts de tous aux fantaisies
d' une infime minorité... Et chacun s' accordaità dire
que ce n' est pas au moment où la criminalité augmente,
où les rues sont de moins en moins sûres, où les
attaques nocturnes se font de plus en plus fréquentes, qu' il
faut permettre à certaines organisations, plus révolutionnaires
que corporatives, de plonger nos rues et nos boulevards dans la nuit
et de faire, ainsi, la part plus belle encore aux apaches qui pullulent
dans Paris.