valign="top">
UN FRANÇAIS ASSASSINÉ AU MAROC
Le docteur Mauchamp, médecin
du dispensaire de Marakech, lapidé par les indigènes.
La campagne menée au Maroc contre l' influence française
continue à porter ses fruits. Un jeune savant français,
un homme qui pourtant eût dû commander le respect et la reconnaissance,
car il répandait les bienfaits autour de lui, le docteur Mauchamp,
médecin du dispensaire de Marakech, vient d' être la victime
d' une troupe de misérables fanatiques.
Le docteur Émile Mauchamp était un des médecins les
plus distingués de la Faculté de Paris. Il s' était
spécialisé dans l' étude des maladies des enfants
et il laisse un livre, qui est un véritable chef-d'oeuvre, sur
l' Allaitement artificiel des nourrissons par le lait
stérilisé. Il avait été naguère
médecin à l' hôpital français de Jérusalem,
et il y avait propagé les idées actuelles sur la puériculture,
organisé des consultations infantiles, rédigé d'
excellentes instructions pour l' allaitement des nouveau-nés,
Il s' était particulièrement distingué au cours des
épidémies de 1901 et 1902.
Ses rapports personnels avec les autorités turques avaient toujours
été excellents et il avait été l' hôte
du pacha d' Alep.
De Jérusalem, il était allé au Maroc, où il
n' avait pas tardé à gagner toute la confiance du frère
du sultan, qui réside au palais de Marakech.
Un médecin des hôpitaux de Paris, qui l' avait suivi avec
le plus grand intérêt dans sa trop courte carrière,
nous disait, dernièrement, toute la perte que vient de faire notre
école médicale.
« Mauchamp était allé à Marakech, à
l' intérieur du Maroc, comme un pionnier de la civilisation française.
Il s' était fait, très vite, une nombreuse clientèle
d' indigènes, d' Arabes, de musulmans, ce qui est admirable dans
ce pays barbare, où toute la science médicale, où
toutes les connaissances d' hygiène et de salubrité résident
encore dans les seules pratiques de la sorcellerie.
» Lors de son dernier voyage à Paris, il y a quelques semaines,
il nous sembla attristé, découragé ; il se disait
à bout de forces, étant seul à la tâche, et
il songeait à fermer son dispensaire de là-bas, où
plus de cent cinquante personnes venaient le consulter chaque jour.
» Il avait pourtant obtenu des résultats extraordinaires.
Il avait installé, grâce à l' appui du gouvernement
français, qui lui avait alloué une subvention, un petit
hôpital de douze lits pour les indigènes. Mais ce qui le
préoccupait, c' est que la nature du sol l' empêchait d'
élever une construction en pierre pour abriter ses malades.
» A peine de retour à Marakech, le voici assassiné.
Il avait été déjà, il y a six mois, victime
d' une tentative criminelle de la part de Marocains fanatisés.
Mais il avait pu mettre en fuite, à coups de revolver, les bandits
qui voulaient l' assassiner. Il y avait donc un grand courage de sa part
à retourner dans ce pays où il avait failli, une première
fois, perdre la vie. Il est réellement mort en héros. »
C' est au cours d' expérience de triangulation, auxquelles il se
livrait avec le professeur Genty, membre de la mission française
à Marakech, que le docteur Mauchamp a été assailli
par une troupe d' indigènes fanatiques, lapidé et frappé
de plusieurs coups de poignard.
Le Petit Journal a montré, mercredi dernier, quelle responsabilité
encourt, dans les excitations qui ont amené cet assassinat, un
certain docteur Holtzmann, juif syrien agent d' un syndicat allemand dont
la présence à Marakech constitue un vrai danger pour nos
nationaux et dont on ne saurait trop réclamer l' expulsion.
L' occupation d' Oudjda par nos troupes, les excuses et les compensations
exigées du maghzen sont des mesures énergiques de nature
à calmer momentanément les effervescences marocaines, mais
il faut, hélas ! prévoir le retour de pareils incidents
tragiques ; et, pour l' empêcher dans la mesure possible, il importe,
dès à présent, de dénoncer tous ceux qui déchaînent
contre notre influence la haine des fanatiques et le poignard des assassins.
Le Petit Journal illustré du 7 Avril 1907