LE MUGUET DU 1er MAI
A Paris, et en maints autre lieux, le 1er Mai
est jour du muguet.
Nos élégantes Parisiennes se garderaient de ne pas épingler
à leur corsage quelques brins de la fleur aux clochettes odorantes.
Aussi, ce jour-là, apporte-t-on aux Halles et dans les divers
marchés aux fleurs de la capitale, d' invraisemblables quantités
de muguet. Les bois de la banlieue sont mis au pillage. Il en vient
même d' assez loin, des bois de Verrières, des forêts
de Rambouillet, de Chantilly et d'Ermenonville. Le muguet est particulièrement
commun autour des étangs de Commelle et dans les bas-fonds ravinés
qui coupent les hautes futaies dont s' environne le parc de l' ancien
château des Condé.
C' est là surtout que les sans-travail de la région vont
le couper pour en confectionner des bottillons débités,
le matin, sous les pavillons des Halles.
Cette habitude de fleurir leur corsage, qu 'ont gardée nos jolies
Parisiennes, est comme un reste des traditions d' autrefois, qui faisaient
du 1er Mai un jour de fête - le jour de la fête du printemps.
Alors, de joyeux cortèges parcouraient la ville ; on plantait
le « mai », un arbuste fleuri, devant le logis des jeunes
filles, et l' on chantait de jolies chansons qui parlaient de paix,
célébraient la nature et l' amour.
Hélas ! que les temps sont changés !
Le 1er Mai, des cortèges parcourent encore les rues, mais ce
sont des cortèges tumultueux, qui troublent l' ordre et la tranquillité
; ceux qui les composent chantent encore des chansons, mais ce sont
des chansons de haine et de colère, des hymnes d' anarchie qui
préconisent la violence et la révolte.
Ah ! - combien préférable était le 1er Mai d' autrefois,
et comme les mœurs actuelles donnent raison aux louangeurs du temps
passé !
Le Petit Journal illustré du 5 Mai 1907