L' « OGRESSE » JEANNE WEBER
Crime ou fatalité ?

C' est un personnage mystérieux et fatal que cette femme Jeanne Weber dont le procès, au mois de Janvier 1906, eut un si grand retentissement.
On l' accusait d' avoir, dans l' espace de trois semaines, assassiné trois enfants, ses nièces : Georgette, âgée de dix-huit mois Suzanne, trois ans ; Germaine, sept mois. On l' inculpait, en outre, d' une quatrième tentative de meurtre sur son neveu, Maurice Weber, un garçonnet qui n' aurait été sauvé que par l' intervention rapide de sa mère.
On avait remarqué que les enfants laissés seuls avec Jeanne Weber succombaient à une sorte d' étouffement convulsif et qu 'ils portaient certaines traces bizarres autour du cou. De plus, les parents avaient surpris, celle que bientôt on ne nomma plus que « l' Ogresse », la main passée sous les vêtements des victimes, semblant leur comprimer la poitrine.
L' « Ogresse » fut arrêtée. Elle passa devant la cour d' assises de la Seine les 29 et 30 Janvier 1906. Et, après ces deux jours d' audience, des preuves précises de sa culpabilité n' ayant pu être apportées, l' avocat général abandonna l' accusation et Jeanne Weber fut acquittée.
Elle s' était, depuis lors, retirée à Chambon, près de Villedieu, arrondissement de Châteauroux, sous le nom de Mme Glaize.
Elle y fit la connaissance d' un veuf, nommé Bavouzet, qui, la considérant comme une victime effroyable du destin, se prit pour elle d' amitié et lui confia la garde de son fils Eugène, âgé de neuf ans.
Le petit, qui paraissait en bonne santé, mourut subitement il y a quelques jours, et le bruit se répandit qu' il avait succombé à la variole noire ; d' autres parlèrent de crime.
Le procureur de la République de Châteauroux commit, aux fins d' examen, un médecin qui conclut que l' enfant avait été emporté par des accidents méningés tuberculeux, mais releva certaines traces suspectes au cou et au front.
L' affaire, cependant, semblait être éteinte lorsque la fille aînée de Bavouzet, âgée de seize ans, vint déclarer à la gendarmerie que son frère avait été soigné par Jeanne Weber, demeurant depuis quelques mois chez son père, et que cette femme avait dû certainement étouffer le malheureux enfant.
Jeanne Weber, interrogée, a affirmé son innocence et, jusqu' ici, aucune preuve certaine n' a été relevée contre elle ; on s' étonne seulement de cette coïncidence bizarre que tous les enfants morts auprès d' elle à Paris portaient, eux aussi, d' inexplicables traces autour du cou.
Fera-t-on, cette fois, la lumière sur cette ténébreuse affaire ?

Le Petit Journal illustré du 12 Mai 1907