UN BALLON FRAPPÉ PAR LA FOUDRE
Mort tragique d' un capitaine d' aérostiers
italiens
C' est au cours d' une revue qui avait lieu à
Rome, à l' occasion de l' anniversaire de la proclamation de
la Constitution, que se produisit cet étrange et dramatique accident.
Un gros ballon militaire, monté par le capitaine Ulivelli, planait
au-dessus de la place d' Armes, où le roi et la reine assistaient
au défilé des troupes. Ce ballon était à
une hauteur de trois cents mètres.
Le temps était très orageux. Tout à coup, un éclair
déchira le ciel, et l' on vit le ballon s' enflammer subitement.
La foudre venait de le frapper.
L' aérostat commença à descendre, lentement d'
abord, retenu par les débris de l' enveloppe qui faisaient parachute
; puis ces débris, étirés par la résistance
de l' air, s' allongèrent et la chute devint de plus en plus
rapide.
Les spectateurs atterrés voyaient la nacelle décrire de
grands cercles dans l' air. Ce fut un instant d' épouvante.
On se précipita vers l' endroit où l' aéronaute
venait de tomber. Projeté hors de la nacelle par le choc, le
malheureux officier respirait encore. Transporté à l'
hôpital militaire, il y mourut quatre heures plus tard, dans d'
atroces souffrances, car il avait l' épine dorsale et les membres
brisés, en même temps que l' incendie du gaz du ballon
lui avait fait de cruelles brûlures. Il était marié
et n' était âgé que de trente-six ans.
La fulguration des ballons est un cas très rare, et qui menace
surtout d' une façon dangereuse les ballons captifs, lesquels
restent en communication avec la terre en même temps qu' ils flottent
dans les couches d' air superposées ayant un potentiel, c'est-à-dire
une tension électrique, différant de l' une à l'
autre. En cas d' atmosphère orageuse, ces différences
de potentiel peuvent être considérables, au point que des
étincelles et des éclairs peuvent se produire. Les ballons
libres n' échappent pas à cet inconvénient, et
voici pourquoi : ils redescendent souvent des couches supérieures
de l' atmosphère avec leur enveloppe chargée d' électricité
de nom contraire à celle du sol ; ils se comportent dès
lors comme de grosses « bouteilles de Leyde » des laboratoires
de physique et jouent le rôle de « condensateurs ».
En touchant le sol, ils produisent de fortes étincelles qui,
dans quelques circonstances, ont mis le feu au gaz contenu dans l' enveloppe.
Enfin, les ballons libres peuvent être foudroyés directement
comme l' est un navire en mer : ce dernier cas est tout à fait
exceptionnel. C' est pourtant celui qui vient de se produire et qui
a coûté la vie à l' infortuné capitaine Ulivelli.
Le Petit Journal illustré du
16 Juin 1907