UN COUP DE THÉÂTRE MARCELIN ALBERT CHEZ M. CLEMENCEAU

Ce fut un vrai coup de théâtre, en effet, une scène digne en tous points des drames romantiques d' Alexandre Dumas. Tandis qu' à Argeliers la police le recherchait, le « Rédempteur » prenait le train tranquillement, s' en venait à Paris et se faisait conduire au ministère de l' Intérieur.
- Je suis Marcelin Albert, je voudrais parler à M. Clemenceau, dit-il à l' huissier de service.
Le président du conseil fit entrer « l' apôtre » immédiatement, et l' entrevue se prolongea durant trois quarts d' heure.
Ce qui se passa entre eux, Marcelin Albert en rendit compte, le surlendemain, aux vignerons d' Argeliers. Il leur dit que son but, en faisant une telle démarche auprès du chef du gouvernement, était d' obtenir l' élargissement des membres des comités viticoles arrêtés, le retrait des troupes et la sympathie du gouvernement en faveur de la viticulture.
Le président du conseil lui répondit qu' il ne désarmerait pas tant que les municipalités ne rentreraient pas dans la légalité ; il lui conseilla à lui-même d' aller se mettre à la disposition de la loi.
Et le « Rédempteur» s' en retourna comme il était venu.
A son retour, il put constater combien sa popularité avait diminué. Tenu en suspicion par ses partisans, il n' eut d' autre ressource que d' aller se constituer prisonnier à Montpellier. C' est surtout en ce pays d' enthousiasmes faciles, chez ce peuple de sang chaud et ardent que les engouements de la foule sont éphémères... Marcelin Albert en a fait l' expérience... Il sait à présent combien la roche Tarpéienne est proche du Capitole.

Le Petit Journal illustré du 7 Juillet 1907