LES NOUVEAUX AUXILIAIRES DE LA POLICE
La brigade canine
opère une rafle au bois de Boulogne
Depuis quelque temps, on nous promettait à Paris des chiens policiers
comme il en existe en Belgique et en Allemagne. Nous les avons aujourd'hui.
Après quelques essais qui démontrèrent péremptoirement
son utilité, la brigade canine est entrée en fonctions, et sa
première rafle au bois de Boulogne a donné les meilleurs résultats.
C' est M. Simard, commissaire de police de Neuilly, qui proposa, le premier,
l' adoption des chiens pour assurer l' efficacité des rondes faites
au bois. Il se rendit à Gand, où le service des chiens policiers
fonctionne depuis plusieurs années. Le commissaire en chef de la police
de Gand, M. Van Wesemaël, a été le véritable initiateur
de ce genre de sport. Sa police est renforcée de trente chiens qui
ne coûtent guère par an plus de 3,285 francs, somme minime comparée
aux services rendus et si l' on songe à ce que coûteraient les
effectifs humains qu' ils remplacent.
L' opinion de M. Van Wesemaël, c' est qu' un chien bien dressé
vaut trois hommes.
Les chiens mis au service de la police commencent leur service à l'
âge de six à huit mois. Pendant les quinze premiers jours, ils
sont retenus dans les chenils ; on les habitue à obéir. Ensuite,
les gardes de nuit qu' ils doivent accompagner dans leur tournée les
conduisent au poste central où ils trouvent réunis les gardes
de nuit de toute la section, avec lesquels ils se familiarisent. De là,
ils sont dirigés vers les points qu' ils sont chargés de surveiller.
Tous les gardes de nuit de la section reçoivent, dans les premiers
jours de l' arrivée d' un nouveau chien, un petit morceau de foie qu'
ils lui offrent, de façon à l' amadouer. Il faut maintenant
lui faire connaître, jusque dans ses moindres recoins, la circonscription
à la surveillance de laquelle il est affecté. Cela dure quelques
semaines, en augmentant progressivement la durée du service.
Dès que le nouveau venu connaît parfaitement les rues de son
quartier, qu' il en a flairé toutes les maisons, on lui apprend à
fureter, à faire le service d' éclaireur, à obéir
au commandement, à rejoindre son garde au premier appel, à marcher
devant, derrière et à côté de lui, à sauter,
à nager, à répondre immédiatement aux coups de
cornet des gardes de nuit des postes avoisinants demandant du secours, à
défendre son garde au cas où celui-ci serait attaqué,
à poursuivre les individus qui fuiraient et ceux qui sont porteurs
de paquets volumineux, à signaler la présence d' individus cachés,
etc. D' autre part, pour éviter qu' il ne cherche à se familiariser
avec le public, on le rend insociable, on l' habitue au bruit des armes à
feu, à ne pas ramasser d' ordures et à ne pas accepter de friandises
des étrangers.
L' éducation et le dressage complets d' un chien durent en moyenne
trois mois. Celui qui, après ce temps, ne répond pas à
ce qu' on attend de lui, est remplacé.
Les exploits de ces braves bêtes sont nombreux. Je ne veux retenir que
celui-ci, raconté par M. Van Wesemaël : au mois de Juillet de
l' an dernier, Azor, incorporé depuis quatre mois à peine, faisait
une tournée d' inspection. Tout à coup il tombe en arrêt
: quelque chose d' anormal se passe dans un jardinet voisin qui précède
une villa. Azor s' élance, va fureter et, peu d' instants après,
son garde entend des cris de femme. Azor venait de surprendre deux malfaiteurs
- un homme et une femme - en flagrant délit de cambriolage !
Tandis qu' Azor tenait la femme en respect jusqu' à l' arrivée
du garde, le complice prenait la fuite. Mais il ne courut pas loin; Azor l'
eut vite rejoint, et, à son tour, il le livra aux mains de la police.
Cependant, Azor ne se tenait pas pour satisfait. La double arrestation opérée,
il retourna à la villa cambriolée d' où il revint tenant
entre ses crocs un trousseau de fausses clefs !
Les chiens de police que M. Simard a ramenés de Gand sont des bêtes
robustes et admirablement dressées.
L' expérience qu' on vient de faire au bois de Boulogne avec leur collaboration
pour la recherche des rôdeurs a été couronnée de
succès. Les hommes le mieux dissimulés dans les fourrés
les plus touffus n' ont pas échappé à leur flair et la
police a fait, grâce à eux, une ample moisson de malandrins.
Il ne s' agit plus, maintenant, que de doter nos agents de quartier de ces
précieux auxiliaires, et bientôt, espérons-le, on pourra
dire de Paris comme de Gand que c' est une « ville sans apaches ».
Le Petit Journal illustré du 28 Juillet 1907