LA FIDÉLITÉ DE L' « AUTRE FRANCE »

Les chefs arabes savent garder la foi jurée

A la suite de l' incursion des Beni-Snassen sur le territoire algérien, on avait dit que deux tribus, algériennes avaient fait défection. Cette nouvelle était fausse. Il y avait eu simplement, de la part de ces tribus, affolement et recul. Seul, un caïd des Attias avait, avec quelques maraudeurs, rejoint les Beni-Snassen, probablement sous la pression de leurs menaces, car il a immédiatement écrit au commandant supérieur de Marnia pour s' excuser et demander à rentrer sur notre territoire.
Bien loin de faire défection, les chefs indigènes font preuve, vie-à-vis de la France, de la plus, noble fidélité. Ces jours derniers, le gouverneur général recevait plusieurs d' entre eux qui partent à Casablanca, combattre pour notre cause, à la tête de leurs goumiers.
Parmi eux se trouvaient le fils et le petit-fils du bach-agha Lakhdar, vieux et fidèle serviteur de la France, ami personnel de M. Jonnart.
Le gouverneur général les a remerciés vivement de l' empressement qu' ils ont montré à constituer leur goum et de leur dévouement envers la France. Faisant allusion à la conduite héroïque des troupes indigènes, tant à Casablanca que sur la frontière marocaine, il leur a déclaré qu' il les considérait, plus que jamais, comme faisant partie de la grande famille française et que, plus que jamais, sa politique tendrait à rapprocher et à réunir la population indigène et la population européenne de l' Algérie. Il les a assurés que les sentiments qu' il venait de leur exprimer étaient ceux de la nation française tout entière et de son gouvernement.
Le fils du bach-agha Lakhdar a répondu, au nom des chefs indigènes présents, qu' ils étaient heureux de l' occasion qui se présentait d' affirmer hautement leur fidélité et leur dévouement à la France, qu' aussi bien dans le cercle de Laghouat que dans celui de Géryville, dès qu' il avait été question de constituer un goum destiné à Casablanca, les demandes avaient afflué et que son père, le bach-agha, actuellement à Alger, avait reçu, ces derniers jours, plus de 160 dépêches de ses administrés, les Larbaa, lui demandant la faveur de se joindre au goum pour partir à Casablanca.
Le capitaine Clavery, qui accompagnait la délégation des chefs indigènes, a confirmé que, chez les Larbaa, l' entrain et l' enthousiasme tout à fait remarquables s' étaient manifestés aussitôt qu' ils avaient appris que le goum serait recruté chez eux.
Ce langage des chefs algériens, cet entrain avec lequel leurs vaillants cavaliers vont combattre pour la France ne sont-ils pas le plus éloquent commentaire qu' on puisse ajouter à la belle composition allégorique qui illustre notre première page ?

Le Petit Journal illustré du 15 Décembre 1907