AU CAP JUBY
« L' équipage du
chalutier « Baleine », capturé par les Maures, est
délivré par les matelots du « Cassard »
Le 18 Mars, on. apprenait qu' un chalutier
d' une compagnie de pêcheries du golfe de Gascogne, la Baleine,
du port d' Arcachon, s' était échoué au cap Juby
et que les dix-neuf hommes de l' équipage avaient été
capturés par les Maures.
Immédiatement, le ministre de la Marine donnait à l' amiral
Philibert l' ordre d' expédier sur place un des croiseurs de
son escadre pour délivrer les captifs.
Le Cassard, croiseur protégé, fut désigné
pour se rendre au cap Juby.
Entre temps, un riche Anglais, lord Montmorres, qui voyage au Maroc
pour son agrément, s' entremettait pour sauver les prisonniers.
Il se rendait à Las Palmas (Canaries), équipait une goélette,
la chargeait non d' armes, mais de bibelots clinquants propres à
exciter la convoitise des Maures, et s' en allait vers la côte
inhospitalière afin de négocier le rachat de l' équipage
de la Baleine.
Le caïd semblait disposé à céder les captifs,
mais, devant les protestations de la tribu, il était forcé
d' y renoncer et de rompre les négociations.
Sur ces entrefaites, le Cassard arriva en vue du cap Juby,
et son apparition soudaine inspira aux Maures une crainte salutaire.
Ils rendirent leurs prisonniers sans conditions aux marins du croiseur.
L' équipage de la Baleine fut ramené sain et
sauf à Las Palmas.
***
Cette mésaventure arrivée aux matelots du chalutier d'
Arcachon remet en mémoire la singulière expédition
qui fut entreprise, voici bientôt cinq ans, dans les mêmes
parages par M. Jacques Lebaudy, qui s' était nommé, par
sa propre grâce, empereur du Sahara sous le nom de Jacques Ier.
C' est aux environs du cap Juby - terre marocaine - que S. M. Jacques
Ier avait résolu, en effet, de fonder son empire.
En Mai 1903, il avait embauché au Havre vingt matelots, et il
était parti avec eux sur son yacht Frasquita.
Le mois suivant, il débarquait avec son équipage sur le
continent africain et occupait un point situé à 60 kilomètres
au Sud du cap Juby. A cet endroit, l' « empereur » voulait
que s' élevât sa capitale, qu' il dénommait tout
de suite Troja. Après y avoir établi un poste
de cinq hommes, il reprenait la mer avec le reste de ses matelots et
s' en retournait à Las Palmas.
Le 12 Juin, le poste de Sa Majesté était surpris par une
tribu de Maures et les cinq matelots emmenés en captivité.
L' « empereur du Sahara » n' ayant pas consenti à
payer la rançon des malheureux qu' il avait, entraînés
dans cette équipée, il fallut que le ministère
de la Marine s' en mêlât. Le Galilée fut
envoyé au cap Juby et les captifs furent délivrés
à coups de canon.
Il est probable que les Maures qui s' étalent emparés
des matelots de la Baleine n' avaient pas oublié cet
incident récent et que, s' ils ont rendu sans conditions les
captifs, c' est qu' ils redoutaient d' être bombardés de
nouveau.
Décidément, le canon a de merveilleux arguments