LA FRONTIÈRE TONKINO-CHINOISE


Tirailleurs indigènes désarmant les « réformistes » chinois

Il se passe depuis quelque temps, en Indo-Chine, des événements d' une certaine gravité. Au dedans, ce sont des essais de révolte ou tout au moins des convulsions qui témoignent d' une fermentation générale.
Sur les frontières, ce sont des incursions de bandes armées dont les méfaits rappellent ceux des Pavillons-Noirs, de sinistre mémoire.
Ces bandes armées, composées de «
réformistes », c' est-à-dire de révolutionnaires, ou, plus exactement, de bandits chinois, témoignent, par leur audace, de l' hostilité toujours latente qui règne, dans l' Empire du Milieu, contre les conquérants du Tonkin.
Nous avons à protéger, au Tonkin, toute une frontière derrière , laquelle s' agitent des bandes turbulentes et pillardes, rebelles même aux autorités chinoises, et masquant, sous divers prétextes de religion ou de nationalisme, une véritable existence de malandrins. Le Quang-Si, le Quang-Tung, le Yunnan en regorgent. On les nomme tantôt « boxers », tantôt « réformistes », tantôt pirates, tout simplement. Mais, sous ces dénominations diverses, on désigne des hordes qui opèrent partout de la même manière et sont toujours en marge des lois.
Jusqu' à ces derniers temps, nous arrivions à les contenir, grâce à un système de colonnes fréquentes qui purgeaient de leur présence le territoire tonkinois et à la constitution d' une ligne de postes fortifiés qui gardaient la frontière. Il est vrai qu' alors il y avait dans notre colonie des effectifs suffisants. Ces effectifs ayant été supprimés sous prétexte de diminuer les dépenses, il a fallu supprimer un certain nombre de postes et confier la garde des autres à la milice indigène, laquelle ne présente pas, à beaucoup près, la même force de résistance que les troupes actives, et ne peut, en tout état de cause, inspirer qu' une confiance assez limitée.
On disait alors le Tonkin pacifié, et il l' était en effet; par cette raison que les pirates ne pouvaient plus y apporter le désordre. Mais, aussitôt qu' ils ont trouvé la porte entr'ouverte, ils s' y sont précipités à nouveau, et les voilà qui recommencent leurs opérations.
Récemment, un détachement français, comprenant 150 fusils, avait été envoyé dans la région située à l' Est de Lao-Kay, à l' effet de procéder au désarmement de groupes révolutionnaires passés sur notre territoire.
Le désarmement d' un premier groupe de 78 fusils put être effectué pacifiquement, mais notre détachement fut attaqué par un groupe de réformistes comprenant environ 600 hommes qui ouvrit le feu au petit jour.
Nous avons perdu 2 lieutenants et 2 sergents. Des renforts furent envoyés immédiatement. Les révolutionnaires purent être en partie désarmés, en partie rejetés hors des frontières. Plus de 50 d' entre eux furent tués.
Mais il ressort de ce fait, que les bandits chinois sont toujours prêts à nous envahir, et qu' une surveillance constante est nécessaire si l' on veut mettre nos frontières à l' abri de leurs sanglantes incursions.

Le Petit Journal illustré du 12 Juillet 1908