UNE TRIPLE EXÉCUTION EN ALGÉRIE

Nour-Bouchta, l'un des condamnés, harangue la foule avant d'aller à l'échafaud.

Ce fut une scène d'un tragique intense. Les trois assassins de l'inspecteur Dubois et du brigadier forestier Barbier devaient être exécutés à Bossuet. Amenés par chemin de fer de Sidi-bel-Abbès à Magenta, ils furent conduits en charrette au lieu de l'exécution. Mais, avant le départ, l'un d'eux, Nour-Bouchta, dressant sa haute taille et levant vers le ciel ses mains enchaînées, harangua le public d'une voix forte. Pendant un quart d'heure il parla en arabe, s'adressant tour à tour aux Européens et à ses coreligionnaires. Aux premiers, il dit : « Chiens ! Fils de chiens, vous m'envoyez à la mort parce que je n'ai pas voulu vous acheter. Si je vous avais donné de l'argent et trahi mes frères, vous m'auriez donné un burnous rouge à galons d'or comme à ces chaouchs qui ont trempé leurs mains dans le sang des deux forestiers. »
Aux indigènes, il dit : « La honte soit sur les lâches qui ne vengent pas les injures. O mes frères, on va tuer trois musulmans. Si vous êtes des hommes, demain vous le ferez voir à ces roumis maudits. »
Un silence effrayant planait sur l'assistance. On n'entendait que la voix perçante du bandit et le cliquetis de ses menottes. Il passa sur cette foule immobile, malgré la présence des gendarmes et des baïonnettes nues, une terreur irraisonnée.
Mais le procureur donna le signal départ. Quelques heures plus tard, les trois bandits avaient expié leur crime.

Le Petit Journal illustré du 11 Juillet 1909