Les inondations

 

 

Des malandrins, qui s'étaient introduits pour voler dans une maison : abandonnée de la banlieue de Paris sont surpris et arrêtés par les gendarmes

On pense avec terreur à ce que sera le bilan des inondations quand on pourra l'établir. La moitié de la France ravagée par les crues ; les récoltes perdues ou compromises ; des vies humaines sacrifiées ; des milliers de malheureux réduits à la misère par la perte de leurs biens, par la destruction de leurs maisons, et obligés d'abandonner leurs foyers envahis par le flot. Depuis plus d'un siècle, Paris et sa banlieue n'avaient pas eu à déplorer pareille catastrophe. En Seine-et-Marne, un village entier a été englouti sous l'effort des eaux. En amont des ravages épouvantables. A Ivry, à Alfortville, à Maisons-Alfort on eut l'affreuse vision du déluge. Partout, les quartiers avoisinant le fleuve furent submergés. Paris a vu plusieurs de ses rues transformées en torrents ; et la vie de la grande ville s'est trouvée paralysée par le fléau. Plusieurs lignes du métro ont dû arrêter le service ; nombre de tramways ont cessé de circuler ; les pendules pneumatiques ont été arrêtées ; deux des plus importantes compagnies de chemins de fer ont vu leurs services entravés ; les trains ont subi des retards considérables ; l'eau potable et l'eau d'arrosage ont manqué ; des quartiers de Paris et de grandes communes de la banlieue ont été privés de téléphone et d'électricité. Bref, c'est un désastre dont on ne saura sans trembler évaluer les douloureuses conséquences. Mais si l'on songe avec tristesse à tant de ruines accumulées, on peut aussi considérer avec fierté combien est ardent dans ce pays l'esprit de bienfaisance et de solidarité. De toutes parts les listes de souscription en faveur des sinistrés se sont couvertes de signatures ; et' partout où le fléau a sévi, le dévouement des sauveteurs a été au-dessus de tout éloge. Une fois de plus, il faut rendre de nos soldats, qui, dans toute la banlieue de Paris ont accompli d'innombrables actes de courage ; et il serait injuste d'oublier les sauveteurs bénévoles qui, de tous côtés, se sont consacrés à l'oeuvre d'humanité. C'est en des circonstances tragiques comme celle-ci que se manifeste la force d'âme d'un peuple. Tout le monde a fait son devoir... De ci, de là, seulement, quelques misérables ont essayé de profiter des circonstances pour s'introduire dans les maisons abandonnées et dérober des objets de prix. Mais la police et les gendarmes veillaient. Au surplus, ces actes de rapine furent rares. Et Paris ne gardera de ce désastre que le souvenir des belles actions de charité, de dévouement et d'héroïsme qu'il inspira.

Le Petit Journal illustré du 6 Février 1910