LA NOUVELLE VENUE DANS LECONFLIT BALKANIQUE
UNIFORMES DE L'ARMÉE ROUMAINE

 

A l'heure où la mobilisation et l'entrée des Roumains en territoire bulgare vient ouvrir un chapitre nouveau dans l'histoire du conflit des Balkans, il nous a paru intéressant de donner à nos lecteurs la reproduction des principaux uniformes de l'armée roumaine.
Le territoire de la Roumanie est partagé en cinq régions de corps d'armée Craïova, Bucarest, Galatz, Jassi et Constantza.
L'infanterie compte : 9 bataillons de chasseurs et 40 régiments à 3 bataillons de l'armée active. 40 bataillons de réserve, et 96 bataillons de milice.
Cavalerie : 10 régiments de roshiori ( hussards rouges ) groupés en 5 brigades destinées à former 2 divisions indépendantes, 10 régiments de calarashi ( hussards noirs ), formant une brigade par corps d'armée.
Artillerie : 20 régiments de campagne à 6 batteries, groupés en 10 brigades, une par division d'infanterie. Il faut y ajouter 7 batteries d'obusiers, 1 groupe à cheval de 4 batteries et 2 régiments d'artillerie de forteresse.
Les troupes techniques comportent 1 bataillon de pionniers par division, 1 bataillon de pontonniers, 1 de chemins de fer, et des compagnies d'aérostiers et d'automobilistes.
L'armée de campagne mobilisée se compose de 5 corps d'armée à 2 divisions, de 2 divisions de cavalerie et de 8 divisions de milice.
L'infanterie est armée du fusil Mannlicher, l'artillerie du canon à tir rapide Krupp.

VARIÉTÉ

Hôpitaux d'autrefois


De vieilles bâtisses qui disparaissent. - Ladreries et léproseries. - L'Hôtel-Dieu de Paris. - Dix malades dans un lit. -
Pourquoi nos ancêtres avaient peur de l'hôpital.

Nos vieux hôpitaux disparaissent un à un. C'était dernièrement la Pitié dont on abattait les murs lépreux ; c'est aujourd'hui Cochin et Ricord qui tombent sous la pioche. Toutes ces bâtisses anciennes et antihygiéniques, sont remplacées par des hôpitaux du modèle le plus nouveau où les malades trouveront toutes les ressources de l'hygiène moderne, tout ce qui manquait, en un mot, aux hôpitaux d'autrefois.
Les questions de prophylaxie sont, en effet, de celles dont nos aïeux ne semblent guère s'être vivement préoccupés. L'invasion des maladies contagieuses les trouvait généralement désarmés ; ils n'avaient en matière de désinfection que des connaissances très vagues, et leurs procédés, pour empêcher la contamination étaient tout à faits primitifs.
C'est assez dire que les lois de l'hygiène étaient fort négligées dans leurs hôpitaux.
Mais, d'abord, en quoi consistaient les hôpitaux d'autrefois ?
L'Antiquité semble n'avoir pas connu ces institutions publiques en faveur des malades. Chez la plupart des peuples de l'Orient on se contentait, s'il faut en croire Hérodote, de transporter les malades sur la place publique et de les étendre sur le sol. Les gens qui passaient s'approchaient d'eux les interrogeaient, et ceux qui avaient souffert des mêmes maux les conseillaient et leur disaient comment il fallait s'y prendre pour guérir. Il n'était pas permis, dit l'historien, de passer, auprès d'un malade, sans s'enquérir de son mal. Vous pensez bien que cette médecine mutuelle ne devait pas donner de merveilleux résultats.
Pas plus que la Grèce, Rome n'eut d'établissement publics pour les malades. On trouvait seulement, chez les patriciens des valétudinaria où l'on soignait les esclaves attachés au logis. C'étaient là des infirmeries particulières où n' étaient reçus que les serviteurs de la famille.
Ce n'est qu'au IVe siècle après J.-C. qu'on trouve à Byzance les premiers hôpitaux dignes de ce nom. Julien l'Apostat avait chargé son médecin Oribase de les construire et de les aménager.
Ses successeurs continuèrent son oeuvre bienfaisante. Justinien avait fait élever, sur le chemin du temple de Jérusalem un hospice pour les pèlerins et un hôpital, dédié à saint Jean. On vit là, pour la première fois, une association d'hommes charitables se consacrer au service des malades.
Du Cange, dans son Histoire Byzantine, assure qu'au moment où les Turcs s'emparèrent de Constantinople, la ville ne comptait pas moins de trente-cinq hospices et hôpitaux.
Les sultans perpétuèrent cette tradition charitable. Mahomet II, Bajazet fondèrent de vastes hôpitaux. Lovicerus, dans son Histoire des Turcs, rapporte qu'ils en créèrent même pour les animaux. En quoi ces Turcs d'autrefois étaient plus humains que les Jeunes-Turcs d'aujourd'hui qui firent périr de faim et de soif les chiens de Constantinople et les malheureux chevaux qui les servirent pendant la guerre contre les Bulgares.

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Le plus ancien hôpital élevé sur la terre de France fut celui de Lyon. Il fut créé en 542, sous le règne de Childebert. Une trentaine d'années plus tard fut élevé à Paris, l'hôpital de Saint-Julien-le-Pauvre, voisin de la vieille église qui existe encore, et où l'on recevait indifféremment les voyageurs bien portants et les malades.
L'Hôtel-Dieu ne date que du siècle suivant. Il fut installé en l'an 650 par saint Landri, évêque de Paris. Douze bourgeois de Paris l'administraient sous la direction de l'évêque, et le quart des revenus ecclésiastiques était affecté à son entretien.
Mais jusqu'alors, sauf en quelques grandes villes, les maisons de secours pour les malades sont rares. L'invasion des fléaux rapportés des croisades, la lèpre, la peste, va multiplier ces asiles. De toutes parts, au bord des grandes routes, dans les faubourgs des villes, s'élèvent ces établissements connus sous les noms de ladreries, maladreries, léproseries, lazarets. On y reçoit pêle-mêle voyageurs en bonne santé et malades. Aussi la contagion y fait-elle d'épouvantables ravages.
Au XIIe siècle, le nombre des léproseries s'élevait en France à plus de 800. Gabriel Pouchet, dans son Histoire des Sciences donne, pour le siècle suivant, le chiffre de 2.000. Au temps de la Renaissance, dit Renouard, dans son Histoire de la Médecine, on ne comptait pas moins de 19.000 de ces maisons d'isolement disséminées par toute la chrétientè.
A cette même époque, l'Hôtel-Dieu de Paris, bien qu'agrandi à plusieurs reprises, par Louis XI et par François 1er, ne présente, au point de vue de l'hygiène, qu'une organisation des plus défectueuses.
Jugez-en par ce passage extrait de lettres patentes à la date du 14 mars 1515 :
« En l'infirmerie qui est de six toises de largeur seulement. il y a six rangées de licts, chacun lict de troys pieds de largueur ou environ, en chacun desquels il y a troys ou quatre malades qui nuisent fort les uns aux autres, et en ladite infirmerie il y a sept ou huit licts où se couchent vingt-cinq ou trente enffans, lesquels enffans sont tendres et délicats à cause du gros ayr qui est en ladite infirmerie et meurent la plupart tellement que de vingt n'en reschappe pas ung. »
A lire cette description et à la comparer à celle que les historiens font des hôpitaux au temps de saint Louis, il semble qu'en ce qui concerne leur organisation, on ait fait entre l'époque du Moyen Age et celle de la Renaissance des progrès à rebours. C'est d'ailleurs, un phénomène qu'on constate dans toutes les pratiques de l'hygiène : les Français du Moyen Age furent infiniment plus propres, plus soucieux de leur santé et de celle d'autrui que les Français de la Renaissance.
M. Louis Boutié, dans son livre sur saint Louis, décrit le magnifique hôpital, fondé à Tonnerre, par Marguerite de Bourgogne, belle-soeur du roi, hôpital dont la grande salle, une des plus belles oeuvres de l'architecture du temps, existe encore.
« On y avait trouvé le moyen, dit-il, de séparer les malades tout en les réunissant. De hautes cloisons divisaient la grande salle en petits compartiments où chaque malade avait sa cellule. Le vaisseau était fort élevé, l'air circulait librement partout, et les cellules étaient dans les meilleures conditions d'aération et de salubrité. Tout autour de la salle, au-dessus des cellules régnait une galerie, d'où les infirmiers pouvaient voir les malades... »
Dans son Manuel d'archéologie, M. Enlart confirme ce souci d'hygiène qui distingue les constructeurs des maisons d'assistance à cette époque.
« Les hôpitaux, dit-il, étaient aménagés avec une entente si parfaite des conditions de salubrité, que les progrès les plus récents en cette matière consistent à restituer les dispositions universellement adoptées du XIIIe au XVe siècle. »
Des fenêtres spacieuses s'ouvraient au-dessus des lits. L'air était abondamment renouvelé. De grandes cheminées chauffaient le local. Des chariots de fer, remplis de braise, étaient promenés à travers la salle.
Les murs étaient peints à la chaux. Au XIIIe siècle, ceux de l'Hôtel-Dieu de Paris étaient grattés une fois par an et repeints à neuf.

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Trois cents ans plus tard, il semble qu'on ait perdu l'habitude de ces précautions et de ces soins. Les hôpitaux construits du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, le furent, en général, sans le moindre souci d'hygiène.
Ils laissaient à désirer aussi bien au point de vue de l'administration qu'à celui de la salubrité.
Et c'est de cette époque que date ce sentiment de répulsion pour l'hôpital, passé depuis à l'état de préjugé, et qui n'a pas encore disparu de l'esprit populaire. Les hôpitaux parisiens de ce temps-là apparaissent aux pauvres gens comme des lieux d'infection où l'on était plus assuré de trouver la mort que la guérison. Aussi les malades se refusaient-ils à s'y laisser transporter, et préféraient-ils souffrir chez eux, privés de soins, plutôt que d'aller chercher la mort dans ces caravansérails de toutes les contagions.
A l'Hôtel-Dieu, il y avait, au-dessus de l'entrée une inscription ainsi conçue : « C'est ici la maison de Dieu et la porte du ciel ». Les Parisiens facétieux en faisaient une interprétation dont le sens était celui du lasciate ogni speranza de l'Enfer du Dante ; et il faut bien dire que les innombrables décès qui survenaient parmi les malheureux malades de cet hôpital justifiaient amplement cette interprétation.
La réputation d'insalubrité de l'Hôte-Dieu était telle que, lorsqu'en 1772, un incendie le dévora en partie, ce fut dans la population une explosion de joie... « Tant mieux, disait-on, tant mieux ! Que l'hôpital brûle. »
Marmontel, dans un mémoire publié cette même année 1772, démontrait que la mauvaise installation de l'Hôtel-Dieu avait, depuis 1737, coûté la vie à plus de 80.000 personnes.
Quatre ans auparavant, Voltaire, dans sa lettre à M. Paulet sur la petite vérole, avait écrit : « Vous avez dans Paris, un Hôtel Dieu où règne une contagion éternelle, où des malades entassés les uns sur les autres se donnent réciproquement la peste et la mort ».
On résolut donc de profiter de l'incendie pour raser les bâtiments de l'hôpital et pour le reconstruire hors de la ville, dans la plaine de Grenelle. Une souscription publique fut ouverte qui, en peu de temps, produisit deux millions de livres. Mais le ministre, Loménie de Brienne, employa la somme à combler les trous de son budget, et l'Hôtel-Dieu demeura debout avec toutes ses tares et toutes ses contagions.
Quelques années plus tard, le célèbre philanthrope anglais John Howard, poursuivant une enquête sur les oeuvres hospitalières vint en France visiter nos hôpitaux. Il les trouva généralement de beaucoup inférieurs à ceux de son pays. « L'Hôtel-Dieu et l'hôpital Saint-Louis, écrivit-il, sont les deux plus mauvais hôpitaux que j'aie jamais visités. Ils sont une honte pour la ville de Paris ».
A la même époque, une commission de membres de l'Académie des Sciences dans laquelle se trouvaient Tenon, Daubenton, Lavoisier, confirmait ces critiques sévères.
Tenon dans un rapport rédigé au nom de cette commission écrivait : « Il est évident qu' il n'est point d'hôpital aussi mal situé, aussi resserré, aussi déraisonnablement surchargé, aussi dangereux, qui réunisse autant de causes d'insalubrité et de mort que l'Hôtel-Dieu. Qu'on se représente une longue enfilade de salles contiguës où l'on rassemble des malades de toute espèce, et où l'on entasse souvent trois, quatre et même cinq malades dans un même lit, les vivants à côté des moribonds et des mourants. Quelquefois les lits sont à deux étages, et sur l'impériale on établit une seconde couche de malades. L'air infecté des exhalaisons de cette multitude de corps malsains portant les uns aux autres les germes pestilentiels de leurs infirmités et le spectacle de la douleur et de l'agonie de tous côtés offert et reçu : voilà l'Hôtel-Dieu.
Ce même mémoire donne, par quelques chiffres, une idée de l'effroyable encombrement qui régnait dans ce lieu d'horreur. Une seule salle, la salle Saint-Charles-Saint-Antoine contenait quelquefois plus de 800 malades. La population totale était illimitée. En 1709, année de grand froid et de grande misère, elle s'éleva jusqu'à 9.000 personnes. Les femmes en couches étaient dans quatre salles au-dessus des blessés et des fiévreux ; elles couchaient trois ou quatre dans chaque lit, et, dit Tenon, lorsqu'on entrouvait les rideaux, il s'en dégageait une buée chaude infecte qui donnait à l'atmosphère une telle consistance qu'en la traversant on la voyait se fendre et reculer de l'un et l'autre côté. »
Résultat : alors qu'à l'hôpital de Lyon, que l'on considérait comme le mieux installé de France, la mortalité était de 2 sur 24, elle était de 2 sur 9 à l'Hôtel-Dieu.

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Ce n'était point cependant que les médecins, les hygiénistes, les philanthropes et tous les hommes de bon sens n'eûssent de tout temps protesté contre cet entassement des malades, et cette promiscuité à laquelle on les condamnait en les mettant plusieurs dans le même lit.
Déjà en 1515, François Ier à la suite d'une visite à l'Hôtel-Dieu écrivait : « On veoit ordinairement huit, dix et douze pauvres en ung lict, si très pressés que c'est grand pitié de les veoir. »
Un siècle et demi plus tard, Sauval dans son Histoire des Antiquités de la Ville de Paris, exprimait la même critique : « On voudroit bien que les malades ne fûssent pas tant ensemble dans un même lit à cause de l'incommodité, n'y ayant rien de si importun que de se voir couché avec une personne à l'agonie et qui se meurt. » Avouiez que le bon Sauval n'était guère excessif en ses expressions, et que le met « importun », dans l'occurrence, apparat plutôt faible.
Au XVIIIe siècle, un philanthrope auquel on doit maints progrès humanitaires et sociaux et dont le nom est fort injustement oublié, Piarron de Chamousset, qui inventa la petite poste et fut le véritable père de la mutualité, mena une vigoureuse campagne contre ces déplorables pratiques. Il fit dans un mémoire intitulé Exposition d'un plan proposé pour les malades de l'Hôtel-Dieu, une peinture effroyable de ces asiles « si redoutés, disait-il que les indigents pour lesquels ils ont été fondés regardent comme le comble du malheur d'être obligés d'y avoir recours. » Et pour illustrer son mémoire d'un exemple probant, il créa dans sa maison même un hôpital où les malades avaient chacun leur lit et un cube d'air suffisant pour leur permettre de respirer.
Mais ni les bons exemples, ni les justes critiques ne pouvaient triompher si vite de la routine. En 1786, on mettait encore dans un même lit, au minimum quatre, et au maximum neuf malades ; on laissait pourrir la paille et la laine dans les matelas ; on trouvait partout, disaient les rapporteurs de l'Académie des Sciences, « une odeur infecte, une humidité putride, une pullulation incroyable de parasites de toute espèce, et jusqu'à des nichées de rats qui élisaient domicile dans les paillasses.
Ce n'est qu'en 1799 qu'on commença d'adopter l'usage des lits en fer, et seulement dans les premières années du XIXe siècle qu'on renonça à la funeste habitude de coucher plusieurs malades dans le même lit.
Mais avec quelle lenteur s'accomplirent, les autres progrès de l'hygiène nosocomiale !...
Pour s'en faire une idée, il suffit d'avoir visité il y a quelques années seulement certains de ces foyers de contagion qu'étaient nos vieux hôpitaux parisiens. A la vue de ces murs sombres, de ces salles froides et obscures, on se transportait tout naturellement par l'imagination aux temps douloureux où les malades étaient entassés là, sans souci de la contagion, les mourants à côté des convalescents, les vivants à côté des morts, et, certes, on la comprenait, cette sainte horreur de l'hôpital qu'avaient nos ancêtres.
Ernest LAUT.

Le Petit Journal illustré du 27 juillet 1913