L'HIVER

Ceux qui en jouissent. - Ceux qui en
souffrent.
Ce qui fait le bonheur des uns fait le malheur
des autres, dit la sagesse des nations.
Chaque année, il est toute une catégorie le sportsmen
et de sportswomen qui appellent de tous leurs voeux les rudes gelées.
C'est que tout le monde n'a ni les loisirs ni les moyens de se rendre,
à la saison froide, dans ces villes des Grisons consacrées
aux sports d'hiver. Mais depuis quelques années les hivers sans
gelées désespéraient les amateurs de patinage.
Cette fois, enfin, ils ont pu déployer leurs grâces sur
le miroir glacé de nos lacs parisiens. Et, grâce au froid
intense et persistant, il y eut, au bois de Boulogne, de belles fêtes
et de joyeux ébats.
Mais hélas ! toute médaille a son revers; et l'hiver dans
les grandes villes cause plus de tristesses que de joies. Ceux qui en
souffrent sont plus nombreux que ceux qui en jouissent.
Ce sont les miséreux, les sans-logis, ou tous ceux que le travail
condamne à vivre dans la rue. Ceux-là maudissent le rude
hiver et les gelées impitoyables.
Pour eux, du moins, l'administration tutélaire a placé
aux carrefours des quartiers populeux des braseros où ils peuvent
se réchauffer, se dégourdir un peu, avant de reprendre
leur route vers le travail.
Le Petit Journal illustré
du 01 février 1914