L'EMPEREUR DES VANDALES

Parmi les ruines qu'il a faites ou qu'il a laissé
faire, l'empereur des Vandales se dresse dans sa grotesque et barbare
majesté. Sa botte triomphante écrase les merveilles du
passé : l'empereur des Vandales n'a point de respect pour l'art,
pour la beauté ; il détruit sans vergogne ce que les siècles
ont vénéré, ce que le monde entier admire.
L'empereur des Vandales se prétend le chef d'un peuple cultivé
: ce n'est qu'un reître couronné.
A nos Lecteurs
A partir du présent numéro,
le Supplément illustré du Petit Journal reprend
régulièrement sa publication hebdomadaire.
Depuis le commencement de la guerre, les difficultés d'expédition
et la pénurie du papier nous avaient mis dans la nécessité
d'espacer cette publication. Mais tous nos efforts ont tendu à
ne pas l'interrompre. Et nous avons pu, en dépit de toutes les
difficultés, publier en août et en septembre deux numéros
qui, dans la collection de l'année, devront prendre place entre
notre dernier numéro régulier (n°1238 - 9 Août
1914) et le numéro d'aujourd'hui (n° 1241).
Nous avons mis à profit cette interruption momentanée
pour satisfaire aux voeux d'un grand nombre de lecteurs et effectuer
sur les machines les modifications nécessaires à la réduction
de notre format.
Nous espérons que sous cette forme plus pratique, plus maniable,
le Supplément illustré du Petit Journal, toujours soucieux
comme par le passé de donner d ses lecteurs de superbes compositions
en couleurs, des gravures inspirées de la plus vive actualité
et des pages littéraires de nos meilleurs écrivains, retrouvera
auprès du public le succès qui depuis un quart de siècle,
ne l'a jamais abandonné.
VARIÉTÉS
LES RAVAGEURS
De Gensérie à Guillaume
Il. - Les vrais Vandales. - L'art de détruire. - Un peuple barbare
parmi ces peuples civilisés
Parlant de la destruction de la cathédrale
de Reims un de nos confrères anglais écrivait :
« C'est un acte allemand, voilà tout ce qu'on peut en dire.»
C'est un acte allemand. Désormais le mot restera pour
caractériser tout acte de vandalisme cruel, imbécile et
odieux. Les Allemands de 1914 en effet, laissent bien loin derrière
eux leurs ancêtres les Vandales d'il y a quinze cents ans ; et
Guillaume II fait oublier Genséric.
C'est que les Vandales du cinquième siècle n'étaient
qu'une peuplade sauvage, et que Genséric, leur chef, n'était
qu'un soldat heureux, non moins barbare que les hommes auxquels il commandait.
Savaient-ils seulement, ces hommes, que ce qu'ils détruisaient
était beau, que ce qu'ils brisaient c'était le fruit de
longs siècles d'art et de civilisation?.... Non ! ils ne savaient
pas. Leur dévastation s'exerçait aveuglément comme
celle d'une avalanche ou d'un torrent.
Ceux d'aujourd'hui, au contraire, savent ce qu'ils font. Ce n'est plus
à un peuple ignare et primitif que nous avons affaire : c' est
à une nation qui, sans relâche, se glorifie de sa science,
de sa «culture », pour employer le mot que les Allemands
affectionnent tout particulièrement quand ils parlent de leur
civilisation.
L'homme auquel ils obéissent n'est plus, comme Genséric,
un chef barbare, insensible aux merveilles de l'art et de la beauté
; c'est, au contraire, une manière d'esthète auquel tous
les arts sont familiers. Il est peintre, poète, musicien ; il
fait des livrets d'opéras, il compose des ballets. En parlant
de lui-même, il pourrait dire; comme Néron . « Qualis
artifex !... »
Et c'est ce peuple, qui se dit cultivé, c'est ce peuple qui,
de propos délibéré, sème sur ses pas la
destruction et l'incendie, et porte l'effort de ses canons sur tout
ce qui est beau, sur tout que l'histoire et l'art ont fait respectable...
Et c'est cet homme, cet empereur artiste, qui ordonne ou qui laisse
accomplir ces dévastations criminelles !
Je vous dis qu'il faut faire amende honorable à Genséric,
et aux Vandales. Dans la. pratique du pillage et dans d'art de la destruction,
ils n'étaient que des pygmées, comparés à
Guillaume II et aux Allemand d'aujourd'hui.
Quel raffinement ces gens-là apportent dans l'exercice de leur
vandalisme ! Et comme leurs actes démontrent bien que toutes
les vertus qu'ils s'attribuent si généreusement ne comptent
plus quand la barbarie ancestrale reprend le dessus !
Ils se disent pleins de respect pour les sciences philologiques, pour
l'histoire du passe. Or, ils entrent à Louvain, la vieille ville
universitaire, la métropole savante de la Belgique ; il y entrent
la torche à la main ; et vous savez ce qu'ils incendient tout
d'abord : la célèbre bibliothèque de l'Université,
une des plus belles, des plus riches, des plus célèbres
du monde entier. Plus de cent cinquante mille volumes, d'innombrables
manuscrits d'une valeur estimable périssent dans les flammes.
Et voilà l'oeuvre de ce peuple de savants !
Ils affichent à tout propos leur croyance
chrétienne. Leur empereur ne peut ouvrir la bouche ou prendre
la plume sans invoquer son Dieu, soit Dieu familier, son « vieux
Dieu ». Et dès qu'ils dressent leurs batteries devant une
ville, c'est sur les sanctuaires de la religion qu'ils dirigent leurs
projectiles.
A Dînant, ils abattent le cocher de l'église ; à
Louvain, ils réduisent en poussière la vieille basilique
de Saint-Pierre. A Malines, ils prennent pour but la merveilleuse tour
de Saint-Rombaut. La cathédrale de Senlis, celle de Soissons
sont atteintes par leurs bombes. Partout où ils passent, jusque
dans les moindres villages, l'église est victime de leurs dévastations.
Enfin, forfait abominable, et qui révolte l'opinion de l'univers
civilise, à Remis, ils s'acharnent contre le chefs-d'oeuvre des
siècles, contre le précieux sanctuaire auquel se rattachent
tant de grandes traditions historiques, tant de pieux souvenirs..
Par trois fois, ils en recommencent le bombardement ; ils brisent les
admirables statues, ils mettent en miettes les vitraux du treizième
siècle, ils incendient les combles et n'abandonnent leur victime
que lorsqu'elle n'est plus qu'une carcasse informe toute noircie par
le feu. Et voilà l'oeuvre de ce peuple pieux !
Ils avaient dit pourtant, au début de la guerre :
« Nous respecterons les cathédrales françaises,
celle de Reims notamment, qui est une des plus belles basiliques du
monde, Depuis le moyen âge, elle est particulièrement chère
aux Allemands, puisque le maître de Bamberg s'inspira des statues
de ses portiques pour dessiner plusieurs de ses figures. Nous regarderons
avec vénération ces églises grandioses et nous
les respecterons comme nos pères le firent en 1870. »
Vous voyez comme ils ont tenu parole. C'est qu'il y a en eux quelque
chose de plus fort que leur prétention au goût, au sentiment
artistique : c'est la barbarie atavique qui demeure au fond d'eux-mêmes,
et qui les fait bien les dignes descendants des Vandales de Genséric
et des Huns d'Attila.
Artistes, ces gens-là ?... Allons donc ! Allez voir toutes les
horreurs colossales dont ils ont décoré leurs villes ;
allez voir les monstrueux palais qu'ils ont érigés à
Berlin, à Strasbourg, partout et vous serez édifiés.
Ils prétendent avoir l'amour des logis anciens, et, dans toutes
les villes belges, à Malines, à Louvain, à Termonde,
ils ont délibérément porté d'incendie dans
les plus jolies maisons du passé. Le gothique est l'objet de
leurs étude ; c'est leur style ; ils l'admirent, ils l'aiment.
Là, ils bombardent Reims, le plus pur chef-d'oeuvre de l'art
gothique.
Voilà l'oeuvre de ce peuple qui se dit cultivé !
A la vérité, ils excellent dans un art, en effet, dans
l'art de détruire. Ils détruisent scientifiquement, méthodiquement
; et ils traînent avec eux tout un arsenal d'incendie.
En 1870, quand ils brûlèrent Châteaudun, ils allèrent
de maison en maison verser à la main le pétrole sur les
meubles. Depuis lors, ils ont fait des progrès. Voyez plutôt
comment ils s'y sont pris à Termonde :
« Avec un réservoir à pression monté sur
une automobile pleine d'essence, ils parcoururent les rues principales,
aspergeant les maisons jusqu'au premier étage et mettant le feu
aux boiseries des portes, des fenêtres et des volets. Dans les
vitres du premier étage ils lançaient des fusées
incendiaires et des grenades, de manière à communiquer
le feu partout à la fois ; pendant ce temps, les soldats à
pied, porteurs de petits caissons en fer blanc, attachés sur
le devant du corps par des bretelles en cuir et contenant de l'essence
et du pétrole sous pression passaient dans les petites rues et
allumaient tout ; d'autres étaient porteurs de bâtons d'un
produit phosphoreux contenus dans une gaine de métal, dont il
leur suffisait d'enduire les boiseries, comme on craque une allumette,
pour les incendier. En moins de deux heures, toute la ville fut en flammes.
»
Ils firent de même à Senlis. « Je puis en parler,
dit un témoin, je les ai vus faire : ils ouvraient une porte
ou cassaient un carreau et, par l'ouverture, ils lançaient contre
les murs une poignée de petites boules ou de rubans. Immédiatement
des flammes éclairaient la pièce et bientôt la maison
flambait... »
Et voilà à quoi aboutit leur science, leur belle science
allemande dont ils sont si fiers.
Il n'est à tout ceci qu'une conclusion :
Quand, à une époque de civilisation, il subsiste, dans
le monde, un tel peuple de ravageurs et de bandits, le devoir des autres
nations est de l'anéantir coûte que coûte, et de
le mettre à tout jamais hors d'état de nuire.
Il n'y va pas seulement de leur tranquillité. il y va de l'honneur
de l'humanité.
ERNEST LAUT
Le Petit Journal illustré
du 4 octobre 1914
Conseils Pratiques
Mes bien chers lecteurs et lectrices,
je reviens à vous remplie de confiance et d'une confiance très
justifiée, dans le triomphe final de notre France et de ses Alliés.
Soyons donc animés de courage et de vaillance, nous surtout les
femmes, dont le devoir est de soutenir notre pays que les jeunes hommes
défendent. Ne cessez pas de « vivre », c'est-à
dire de travailler, de faire travailler, de dépenser dans la
mesure de vos moyens. L'Argent qui circule ne sort pas de notre territoire
et l'alimente, dites-vous-le bien. L'action est plus utile que les larmes
pour la résurrection de notre admirable Patrie. Soignez vos santés,
soigner vos enfants, l'espoir de l'avenir.
Pour occuper vos loisirs, faites au crochet ou au tricot, des cache-nez
ayant 1 m 20 de long sur 0 m 85 de large, et des « poignets »
de 0m. 20 de hauteur sur 0 m. 15 de largeur. Ces dimensions ne sont
pas rigoureuses, puisqu'il y a des hommes de tailles très différentes.
Cousine Jeanne.