LES VILLES MARTYRES

Soissons, Senlis, Albert, Arras, Etavigny,
après le passage des Allemands.
Ce que nous disions l'autre jour des villes
belges, nous pourrions le redire des villes françaises qui se
sont trouvées sur le passage de l'ennemi. Toutes ont droit de
figurer dans cette douloureuse catégorie des « villes martyres
».
Soissons a été bombardé à plusieurs reprises
; des rues entières ont été détruites; la
charmante église de Saint-Jean-des-Vignes a cruellement souffert.
Senlis a été brûlé.. brûlé à
la main. Le quartier de la Licorne, la rue de la république ne
sont plus que ruines ; le Palais de justice, d'une si belle tenue architecturale,
la ravissante maison du capitaine Fenwick ont été détruits
; et la cathédrale elle-même n'a pas été
épargnée.
Aucune ville n'a souffert plus durement qu'Albert, la jolie petite cité
de la Somme. Vaincus, repoussés par nos troupes aux environs
de cette ville, les Allemands, suivant leur habitude, se vengèrent
en la détruisant. La ville s'effondra littéralement dans
les flammes sous l'effort de leurs obus.
Et Arras !... quel sort effroyable fut celui de la noble et belle capitale
de l'Artois. Trois bombardements successifs n'ont pas laissé
pierre sur pierre de ses plus riches quartiers. L'hôtel de ville,
l'un des plus beaux monuments civils du Nord de la France est entièrement
dévasté ; le beffroi ; cette merveille du seizième
siècle est effondré. Plus rien n'en subsiste.
Et ce n'est pas tout. Sur leur route, ils on ainsi semé partout
la dévastation et la ruine. Combien de villages pittoresques
auront disparu combien de clochers majestueux ne subsisteront, tel celui
d'Etavigny dont nous donnons la reproduction, que comme les témoins
impuissants et douloureux de la sauvagerie teutonne; de l'impitoyable
barbarie d'un peuple qui a l'inconcevable audace de se dire civilisé.
Le Petit Journal illustré
du 15 novembre 1914