TÊTES DE BOCHES

Défilé de prisonniers allemands dans une tranchée conquise par nos troupes.

Les voilà les héros de la Kulture ! les voilà les maîtres du monde, les représentants de la race supérieure, de la race élue !
Tous ces types d'Allemands, qui défilent dans le boyau conquis par nos troupes, ont été dessinés d'après nature. Vous y trouverez tous les spécimens de la race depuis le lourdaud Poméranien jusqu'au herr professor à lunettes, hirsute et prétentieux. Vous y verrez l'officier, le « junker » à monocle, prétentieux et hautain, et qui semble indigné qu'on puisse le faire ainsi défiler pêle-mêle avec la tourbe, avec le vulgum pecus constitué par ses soldats.
Quel air dégoûté il a, le gentilhomme de se voir ainsi mêlé à tous ces hommes vulgaires, lui qui, dans les villes allemandes passe comme un demi-dieu dans la foule qui s'ouvre devant ses pas ; lui, le bel officier qui fait battre la chamade aux coeurs de toutes les Gretchen de la noblesse berlinoise.
Ce qui ressort de toutes les physionomies des soldats, c'est l'expression de discipline passive qui caractérise le Boche.
Comme le dit très justement l'abbé Wetterlé qui le connaît bien, « le soldat allemand n'a aucune volonté, aucune initiative. Dès son arrivée à la caserne, ses chefs s'appliquent à en faire un automate. Dans le rang, il devient un polichinelle désarticulé qui ne raisonne plus, mais obéit aveuglément à la ficelle que tirent ses chefs d'un geste brutal et saccadé... »
Il résulte de ceci que les hommes ne doivent jamais être abandonnés à eux-mêmes. Il faut que l'officier et les sous-officier soient toujours derrière eux pour les pousser.
Et, vaincus, prisonniers, ils ont toujours cette allure de chiens fouettés. que vous leur voyez ici. Alors que les nôtres gardent, même dans la défaite, cette dignité, cette force d'âme, cette noblesse d'attitude qui n'abandonneront jamais le troupier français.

Le Petit Journal illustré du 5 mars 1916