LES MORTS ÉTAIENT DEBOUT


C'est une des visions tragiques de la grande lutte devant Verdun.
On sait comment notre artillerie décima les masses allemandes.
Les rangs ennemis fondaient littéralement... »
Quand les troupes françaises chargèrent les Brandebourgeois du Kaiser, elles durent escalader de véritables murailles de cadavres allemands.
Le fait qui inspira notre gravure a été rapporté par un officier qui fut blessé dans ce combat de géants.
- C'était, dit-il au lever du jour, devant la cote 288, à Vacherauville. Entre deux collines, dans une sorte de petite vallée, nous aperçumes, à 500 mètres, une ligne brune d'où émergeaient des silhouettes humaines. Cette masse était encore confuse. Mais on ne pouvait s'y tromper, c'était bien là une troupe ennemie qui, sans doute, se préparait à un nouvel assaut.
» Notre 75 « donna » aussitôt. A la lunette, on vit sauter dans les airs des membres humains. Dans la masse brune, de larges brèches se produisaient à chaque coup. Mais la colonne d'attaque ne paraissait pas se mouvoir. Quelques obus furent encore tirés. Les Bûches n'avançaient ni ne reculaient.
» Lorsque le jour fut complètement venu, on eut le mot de l'énigme. La masse brune que notre artillerie venait de canonner était un amas de cadavres allemands. Surprise par notre feu de la veille au soir, toute une colonne avait été anéantie, là, dans le ravin, entre les deux collines. Et les cadavres étaient tellement serrés les uns, contre les autres, que la plupart d`entre eux étaient restés debout. »

 

Le Petit Journal illustré du 19 mars 1916