S. M. la Reine des Belges

décorée de la croix de guerre
La reine Élisabeth de Belgique a reçu
la croix de guerre française. Aucune distinction n'est plus justifiée
ni mieux méritée.
Le reine des Belges n'a pas montré seulement de la grandeur d'âme,
de la dignité, de la bonté ; elle a fait preuve d'héroïsme
jusque sur le front de bataille. La croix du soldat qui a fait son devoir
lui était bien due.
Il semble, disions-nous naguère ici même en parlant de
la Belgique, il semble que ce petit pays ait pour mission de régénérer
l'Europe par l'exemple de toutes les vertus
Son souverain s'est montré plus noble et plus grand que les paladins
d'autrefois.
Sa souveraine - bien que d'origine bavaroise n'a pas, un seul instant,
séparé sa cause de celle de son pays d'adoption.
Depuis le début de la guerre, nous la voyons demeurer avec son
mari dans le danger. Cette reine ne se contente pas d'être reine,
elle veut être la femme, la compagne, l'associée jusque
dans les pires vicissitudes de la vie.
Comment le peuple belge n'adorerait-il pas sa souveraine ? Dans la paix
elle était la consolatrice des malades et des malheureux. Artiste
et femme de science, excellente musiciennes violoniste des plus remarquables,
elle a, d'autre part, son diplôme de docteur de l'Université
de Leipzig.
Son père, le duc Charles-Théodore de Bavière était
un admirable philanthrope et un savant médecin ; il était
renommé comme un des meilleurs oculistes du monde.
La princesse Elisabeth avait appris après de lui à faire
le bien en aidant et en soignant les pauvres et les affligés.
Aussi le peuple belge l'adore-t-il, en effet.
Il y a quelques années, la reine fut gravement malade et tout
le monde fut agité d'une inquiétude profonde. Un de nos
confrères bruxellois lança alors cette idée charmante
: faire envoyer par tous les enfants du pays aux petits princes belges
des cartes postales exprimant des vœux pour le prompt rétablissement
de leur mère, en affranchissant au moyen de timbres « Caritas
», vendus avec une surtaxe au profit, de « l'OEuvre nationale
contre la tuberculose », à laquelle la reine s'intéressait
particulièrement.
Des milliers et des milliers de cartes parvinrent ainsi au palais. Et
voyez comme bien est étroite et cordiale l'union entre le peuple
et ses souverains, voyez combien ceux-ci savent entretenir délicatement
leur popularité : la reine guérie, tous les enfants belges
qui avaient adressé leurs voeux au palais reçurent, en
réponse, une carte illustrée représentant le groupe
charmant de la reine et de ses enfants avec ces lignes au-dessous :
« LL. AA. RR. le Duc de Brabant, le Comte
de Flandre et la princesse Marie-José vous remercient de tout
coeur de la sympathie que vous leur avez témoignée à
l'annonce du prompt et complet rétablissement de leur chère
maman. »
Le trait n'est-il pas délicieux ?
Au début de la guerre le grand poète belge Emile Verhaeren
faisait de la reine ce portrait :
« Dans la conquête de sa popularité
qui fut rapide d'abord et ferme ensuite, et définitive plus tard,
Albert 1er fut aidé par sa compagne, la reine. Elle a compris,
comme par divination, les gestes qu'il fallait faire, les mots qu'il
fallait dire, les vertus qu'il fallait montrer. Elle eut pour armes
sa timidité, sa force douce, son tact. Les artistes l'aimèrent
en même temps que le peuple l'aima. Elle était musicienne.
Son intérêt et son amour pour l'art débordèrent
sur la littérature. Elle s'entoura d'oeuvres de choix et les
peintres et les sculpteurs vinrent à elle. Dans le palais de
Bruxelles - dont les Prussiens viennent de sabrer les tableaux et de
casser les marbres, - elle s'était aménagé trois
ou quatre salons d'après ses goûts. Les dorures, les colonnes,
les lustres, les candélabres officiels avaient été
remisés. De simples tentures unies pendaient le long des murs.
Et sur elles, avec un goût simple et juste, elle avait disposé
quelques toiles de jeunes peintres belges, qu'elle admirait et défendait
à l'occasion. Ceux qui avaient l'honneur de la connaître
et de pouvoir lui parler en toute franchise savaient que tout mouvement
artistique sincère et nouveau l'intéressait, et qu'elle
ne demandait pas mieux que de se laisser conquérir par lui ».
Or, cette reine artiste fut, dans l'épreuve, une femme forte
et vraiment héroïque. A maintes reprises elle a donné
l'exemple d'un superbe courage.
Un jour elle allait en pleine ligne de feu prodiguer ses encouragements
et ses consolations aux blessés. Un major s'approcha d'elle et,
respectueusement, lui fit remarquer à quel danger elle était
exposée. « Laissez, dit-elle doucement. Ils visent mal
et je ne suis guère grosse ! »
La croix de guerre, la croix des braves, ne saurait être plus
noblement portée que par la femme généreuse et
vaillante qui fit cette réponse admirable.