La Ville de Paris rend hommage à son défenseur

 


On se rappelle la courte et énergique proclamation que le général Galliéni adressa à la population parisienne, lorsqu'en septembre 1914, il fut désigné par le gouvernement comme gouverneur de la capitale.
» J'ai reçu mandat de défendre Paris congre l'envahisseur. Ce mandat, je le remplirai jusqu'au bout. »
Galliéni, en effet, l'eût rempli jusqu'au bout, ce mandat. Son passé répondait de son présent. Les admirables initiatives qu'il avait montrées dans toutes ses campagnes coloniales, l'œuvre gigantesque qu'il avait accomplie à Madagascar, son activité, son autorité de chef, ses talents d'administrateur, étaient, pour les Parisiens, autant de garanties que leur sauvegarde était confiée à de bonnes mains.
On sait, en effet, comment, en quelques jours, le général mit le camp retranché en état de défense ; et pas un Français n'a oublié la part immense qu'il prit à la victoire de la Marne en arrêtant Von Kluck sur l'Ourcp portant l'armée de Paris sur l'Ourcq restera comme le témoignage d'un merveilleux esprit de décision :
Von Kluck, le général vaincu, rendait lui-même l'autre jour, sans le vouloir, un véritable hommage à cet esprit de décision :
« Je savais, disait-il dans une interview, l'armée de Maunourv, telle que je la connaissais, incapable de tenir le combat, et, d'autre part, je ne pouvais m'écarter de ce principe - enseigné de tout temps; dans toutes les écoles militaires, - qu'un général commandant une place ou une enceinte fortifiée n'a pas le droit de prendre l'offensive, sinon contre un ennemi le menaçant en face. Sans doute n'existait-il qu'un seul général pour risquer, en méconnaissant ce principe, les plus graves responsabilités... Mon malheur voulut que ce fût Galliéni. »
Oui, Galliéni risqua ces responsabilités. Quand le sort du pays est en jeu, il n'y a plus pour le coeur et pour l'esprit d'un vrai Français, d'un vrai chef, de traditions qui tiennent. Galliéni envoya ses troupes au feu et l'ennemi fut vaincu. - Et Paris fut sauvé.
Paris lui en gardera une éternelle reconnaissance - une reconnaissance qui s'est manifestée dans la douloureuse circonstance de ses obsèques. La ville entière est revenue s'incliner devant son cercueil ; et Galliéni mort, on peut dire que son souvenir vivra éternellement au coeur de la cité qu'il a sauvée.

 

Le Petit Journal illustré du 18 juin 1916