L'HUMANITÉ DES COSAQUES

En Volhynie, en Bukovine, en Galicie, partout
où ils passent sur leurs petits chevaux alertes, les cosaques
sont précédés de la légende plus que centenaire
qui les représente comme des guerriers impitoyables, semant la
terreur et la destruction autour d'eux.
Légende d'ailleurs absurde, et qui était déjà
inexacte il y a cent ans.
Ceux qui vinrent à Paris en 1814 - ces cosaques effroyables que
des proclamations officielles accusaient de manger les petits enfants
- étaient, en réalité de fort bons bougres très
dociles, très disciplinés et fort obligeants pour la population,
Les mémoires du temps le constatent à l'envi. Mme d'Abrantès,
notamment, rend pleine justice aux pauvres cosaques calomniés.
Mais les légendes ont la vie dure. Celle-ci revit aujourd'hui
en Autriche en dépit de toute vérité.
Or, de quel côté est la sauvagerie ?
Le Novoïe Vrémia citait l'autre jour un rapport
remis à la commission d'enquête sur les atrocités
allemandes et relatif au cas d'un cosaque brûlé vif par
les Austro-Boches, dans le village de S.
Les habitants de ce village ont déposé, en effet, que
les soldats allemands leur avaient raconté qu'ayant pris vivant
un cosaque caché dans un trou à pommes de terre, ils avaient
d'abord tenté de mettre le feu à ses vêtements.
N'ayant pu y parvenir, parce que les vêtements étaient
mouillés, ils lui arrachèrent son uniforme, le saisirent
par la tête et par les pieds, et le tinrent dans cette position
au-dessus d'un brasier jusqu'à ce qu'il en mourût, ou plutôt,
comme disent les Allemands, jusqu'à ce qu'il crevât comme
un chien. Les Allemands racontèrent qu'ils riaient surtout d'entendre
le cosaque pousser des cris de douleur qui emplissaient tout le village.
Les paysans, s'étant rendus à l'endroit indiqué
par les Allemands, trouvèrent une centaine de leurs compatriotes
entourant un bûcher qui achevait de se consumer. Les Allemands
leur dirent alors : « Regardez comme nous avons fait cuire un
cosaque ! » Les paysans virent effectivement des ossements et
un pied humain dont la peau était calcinée.
Les Allemands réunirent enfin les os, ajoutèrent du bois
au feu et l'entretinrent jusqu'à ce que tout fût réduit
en cendres. Non loin du bûcher étaient étalés
un dolman portant des galons blanc sur la manche et une culotte avec
des bandes rouges.
Comparez à ces atrocités la conduite des cosaques à
l'égard de leurs prisonniers.
La scène que représente notre gravure s'est passée
récemment en Galicie. Elle montre combien les cosaques, si terribles
qu'ils soient dans l'ardeur du combat, deviennent compatissants pour
l'ennemi vaincu.
On voit ici, d'après un récit officiel quelques cosaques
qui, ayant fait mettre bas les armes à une centaine d'Autrichiens,
donnèrent leurs montures et leurs capotes à ceux de leurs
prisonniers malades ou blessés, et les conduisirent ainsi au
prochain cantonnement.
De tels traits d'humanité honorent ce peuple de soldats.
Le Petit Journal illustré
du 23 juillet 1916