Comment, le 14 juillet,


les Anglais célébrèrent le " France's Day "à Bazentin

C'est un blessé qui a raconté à notre confrère le Daily Mail comment lui et ses camarades, le 14 juillet, célébrèrent héroïquement la fête nationale française.
Nous savions tous, déclara ce blessé, que c'était le « France's Day » et je ne sais pas si, dans leur imperturbable résolution dans l'assaut, dans leur façon de tirer qui ont caractérisé tous les mouvements de nos troupes, depuis le commencement de l'assaut, nos gaillards n'ont pas, vendredi dernier, emprunté quelque chose à nos braves alliés français, comme une sorte de tribut à la nation française. Je veux dire qu'ils ont fait preuve, et beaucoup, de cet élan vigoureux, de cette bravoure, de cette fougue qui appartiennent aux troupes françaises. Le premier jour de l'offensive actuelle, c'est-à-dire le 1er juillet, fut épique. Vendredi, tel que je l'ai vu, a été glorieux.
On me, dit qu'ici, en Angleterre, vous avez rendu le 14 juillet un grand hommage à nos braves alliés. Eh bien ! je ne pense pas qu'il ait été plus beau que celui que lui ont rendu nos braves soldats entre Ovillers et Longueval.
Tous connaissaient le « France's Day » et vendredi notre cri était : « La belle France ! » et : « Vivent les Français ! » Cela a dû paraître bien drôle aux Boches.
Voilà, nous devions prendre ce point que vous voyez sur la carte (Bazentin). Nous nous dirigeâmes par quatre pelotons. Le mien était le troisième. Master Boche fit une chaude réception aux deux premiers et au mien, spécialement au second et au mien: Les deux premiers devaient atteindre la première et la seconde tranchée. Ils le firent vraiment bien. A ce moment, les mitrailleuses allemandes se mirent en mouvement.
Je puis vous donner ma parole que la moitié de mes hommes sautèrent dans la tranchée boche, sans une arme dans les mains. Beaucoup d'entre eux avaient eu leur fusil brisé. Je n'ai jamais rien vu de plus beau de ma vie. Mes hommes ne faisaient pas plus attention aux baïonnettes boches que si elles n'existaient pas. Je n'ai jamais vu pareille furie. C'étaient de véritables diables en rage avec leurs cris incessants de : Vive Français ! Français for ever ! »
Voir tous mes gars taquiner le Boche avec les mains et les bras nus, cela vaut la peine de vivre... ou de mourir. Un commandant de ma section, descendu dans la tranchée, prenait les Boches par le fond de la culotte et par le cou et les lançait par-dessus le parapet, et ils venaient rouler dans les restes de leurs fils de fer barbelés. « Dégringole ! », hurlait-il, et je ne sais quoi encore, le diable m'emporte. En tout cas, il les mettait hors d'usage, vous savez
(out of business all right).
Et en même temps mes hommes nettoyaient la tranchée en se servant de bombes allemandes. Nous n'avons rien laissé de vivant.
Je ne crois pas que le kaiser ait dans sa garde prussienne un peloton qui aurait pu vivre devant mes gaillards aux bras nus, vendredi. Par Dieu ! c'était un grand jour, c'était le « France's Day » à Bazentin.

***
Ajoutons à cette relation pittoresque un détail qui montre tout le découragement des Allemands devant la puissance de destruction de l'artillerie anglaise et le formidable élan des troupes britanniques.
Un commandant allemand fait prisonnier dans un abri cimenté ne pouvait cacher sa surprise :
« Si vous pouvez franchir nos lignes ici, disait-il, vous pouvez les franchir partout. Pourquoi ne le faites-vous donc pas tout de suite pour qu'on en finisse enfin ? »

 

Le Petit Journal illustré du 6 Août 1916