OFFRANDES A LA PATRIE


A la fête des Saintes-Maries-de-la-Mer, les
pêcheurs provençaux offrent leurs anneaux d`or à la Défense nationale.

En 1792, on vit les citoyens offrir à la nation ce qu'ils avaient de plus précieux pour sauver la Patrie, et équiper les « poilus » d'alors, les soldats de Sambre-et-Meuse, de Vamy et de Jemapes.
Chacun déposa son or, son argent, ses bijoux précieux sur l'autel de la Patrie, dans l'espèce la tribune de l'Assemblée Nationale.
Les pêcheurs des Saintes-Maries-de-la-Mer ont récemment renouvelé ce geste généreux à l'occasion de la fête pittoresque qui se déroule chaque année sur le rivage de la douce Provence, à l'endroit même où, selon la légende, abordèrent sainte Marie-Madeleine son frère Lazare, Marie Salomé et Sara l'Égyptienne.
Rappelons en deux mots la légende des Saintes-Maries.
Or sait qu'après la mort du Christ, tous se fidèles furent éloignés de Judée. Lazare, Maximi, Sidoine, Marthe, Madeleine, Marie Jacobé, Marie Salomé furent entassés dans une barque sans voiles et sans gouvernail.
Au moment où l'on allait pousser cette barque sur la mer, une femme accourut et demanda à partager le sort des malheureux qu'on livrait ainsi aux hasards des flots : c'était Sara l'Egyptienne, la servante des deux soeurs Marie Jacobé et Marie salomé.
Elle monta dans le frêne esquif qui partit à la grâce de Dieu et vint aborder aux rivages de Provence.
Là, plusieurs exilés s'en allèrent vers le haut pays ; seules les deux Maries et leur servante Sara demeurèrent sur le rivage où elle avaient atterri.
C'est là qu'elles moururent toutes trois après avoir édifie les habitants de la contrée par leurs vertu,. Une chapelle fut élevée pour recevoir leurs restes ; et c'est sur l'emplacement de cette chapelle que fut élevée l'église fortifiée autour de laquelle se déroule choque année la pittoresque procession des Saintes- foires.
ce village des Saintes-Maries est célèbre entre toutes les cités de la France pour la merveilleuse beauté de cette église qui daterait, s'il faut en croire la tradition, du premier siècle de notre ère et qui fut, en l'an 922, fortifiée par Guillaume-le-Grand.
C'est à l'ombre de ses imposantes murailles crénelées que Mistral fait mourir Mireille, et cet épisode de l'illustre poème provençal n'a pas peu contribué à la célébrité de l'église des Saintes-Maries.
Le pèlerinage aux Saintes-Maries-de-la-Mer est toujours très nombreux comme à la grotte de la Baume où vécut, dit-on, et mourut dans la pénitence sainte Madeleine.
La procession, cette année, a parcouru le village pavoisé aux couleurs des Alliés et l'archevêque d'Aix a béni la mer et les barques des pêcheurs.
Le touchant de cette cérémonie a été de voir, après vêpres, les pêcheurs apporter dans le plateau de l'offrande destinée à la Défense nationale les anneaux d'or qu'ils portaient aux oreilles, comme signe distinctif de leur profession.
Ils donnaient ce qu'ils avaient de plus précieux.

Le Petit Journal illustré du 12 novembre 1916