Le Général PASSAGA

commandant la division « La Gauloise »
La division de La « Gauloise » est
celle qui, le 24 octobre, reprit Douaumont ; c'est encore elle qui,
le 15 décembre, enleva les hauteurs d'Hardaumont et l'ouvrage
de Bezonvaux.
Après cette journée fameuse, le général
Passaga, qui commande ces troupes d'élite, leur adressa ce vibrant
ordre du jour :
« Bravo ! soldats des régiments
de Nouvron-Douaumont et de Vedegrange-Hardaumont.
»Bravo ! chasseurs des bataillons de Seppois, du bois-Volant ,
de Navarin et du Se Schonholz.
» Bravo ! artilleurs et sapeurs de Marceau.
» La journée du 15 décembre, après celle
du 24 octobre, assure à vos drapeaux et a vos fanions une gloire
impérissable.
» en quelques instants, d'un seul élan, vous avez conquis
les hauteurs retranchées d'Hardaumont, d'où l'ennemi semblait
encore menacer Verdun, et porté vos baïonnettes là
où on vous l'avait demandé.
» Vous avez anéanti près de deux divisions allemandes
; ceux qui vous ont résisté sont morts ou sont à
l'ambulance ; trois mille ennemis valides, dont cent trois officiers,
sont restés entre vos mains.
» Vous avez pris dix-sept pièces de campagne, vingt-trois
pièces de gros calibre, deux pièces d'artillerie à
grande puissance, de nombreux canons de tranchée, un matériel
de guerre considérable.
» Camarades saluons fièrement ceux des nôtres dont
le sang généreux a payé ce triomphe ! Ces héros
ne sont pas morts ! Nobles martyrs de la plus juste des causes, leur
âme généreuse, dans les luttes futures, fera rayonner
sur nous l'amour sacré d'une patrie chérie, indignement
souillée...»
Honneur au chef, qui, après avoir conduit
ses soldats à la victoire, sait leur parler un aussi noble langage,
et célèbre si éloquemment leur héroïsme
!
VARIÉTÉ
Princesses allemandes en France
L'Allemand n'est jamais déraciné.
- Les deux Autrichiennes. - La Palatine. -Sa haine de la France. - Une
princesse espionne. - Quand on est Roche c'est pour toujours.
D'aucuns prétendent que le Boche a des
facultés d'assimilation toutes spéciales, qu'il se plie
facilement à tous les milieux. Peut-être. Quand son intérêt
ou celui de son pays commandent ces concessions, le Boche, il est vrai,
sait dissimuler sa nature, mais ce n'est là qu'apparence. Le
Boche, dans le fond, reste toujours boche. Transplanté à
l'étranger, il n'est jamais complètement déraciné
; il ne renonce jamais à son tempérament. Si éloigné
qu'il soit de son pays d'origine, quelque influence qu'ait pu avoir
sur lui la civilisation nouvelle dans laquelle il est entré,
le Boche garde les caractéristiques de sa race, la grossièreté,
la goinfrerie, la passion de l'espionnage. Il garde surtout l'orgueil
traditionnel de sa nation et ses haines.
Cela est vrai pour les hommes. On en a eu maints exemples. De nobles
gentilshommes prussiens ayant passé leur jeunesse en France,
reçus dans la haute société de l'Empire, se vantèrent,
quand éclata la guerre, en 1870, d'avoir toujours espionné
pour leur pays ; et ils se montrèrent les plus féroces
ennemis de la France qui les avait accueillis.
On ne cite guère dans l'histoire qu'un seul Allemand qui n'ait
pas voulu rester Allemand, c'est Henri Heine, qui disait de lui-même
: « Je suis un Prussien libéré ». Celui-là
était même si peu Allemand qu'il avait pris en horreur
son pays d'origine. Mais combien cette exception d'un Boche qui n'a
pas voulu rester Boche confirme la règle !
Ce que nous disons des hommes peut également s'appliquer aux
femmes. Avant la guerre, nous étions envahis par des milliers
de femmes allemandes : domestiques, institutrices, gouvernantes. Assises
au foyer français, elles trahissaient la France à qui
mieux mieux. Toutes ou presque toutes faisaient de l'espionnage.
Quelle femme allemande, même après un séjour de
longues années en France, est devenue Française ?
Les hommes de la monarchie française semblent avoir eu conscience
de cette horreur de l'Allemande pour la France, car de toutes les reines,
de toutes les princesses étrangères qui furent mêlées
à notre histoire, les Allemandes sont les moins nombreuses.
Et combien justifiée cette méfiance qu'eurent nos pères
pour la femme venue d' Allemagne ! Sans remonter à Isabeau de
Bavière qui tenta de vendre la France à ses ennemis, on
peut tout au moins rappeler que les deux princesses autrichiennes qui
régnèrent sur la France ne surent ni l'une ni l'autre
devenir Françaises.
Marie-Antoinette ne pensait qu'à Vienne et à Schoenbrunn
; ses favoris étaient Autrichiens, Hongrois, Danois, jamais Français.
Marie-Louise n'eut, au cours de son règne, pas un geste, pas
un mot, pas une inspiration qui témoignât de son amour
pour la France. Elle supporta passivement l'honneur d'être la
femme du plus grand homme de tous les temps ; et quand cet homme fut
tombé, elle me manqua pas une occasion de témoigner de
son indifférence pour lui, de son mépris pour son nom,
de son dédain pour le peuple qui l'avait accueillie en reine.
Quand Napoléon est a l'île d'Elbe, il supplie Marie-Louise
de venir l'y rejoindre.
« J'ai trouvé cela un peu fort, écrit-elle à
une de ses amies, et j'ai répondu franchement à l'empereur
que je ne pouvais pas venir. »
Napoléon rentre en france. Marie-Louise qui se trouve alors à
Schoenbrunn, apprend la nouvelle avec terreur. Elle ne se cache pas
pour manifester la crainte d'un triomphe possible de l'empereur qui,
alors, ne manquerait pas d'exiger qu'on lui rendît sa femme et
son fils. Waterloo la délivre de ces appréhensions.
Voulez-vous connaître ses sentiments pour le pays dont elle a
été l'impératrice, pour l'homme dont elle a été
l'épouse, pour le nom glorieux qu'elle a porté ? Lisez
ces quelques lignes d'une lettre qu'elle adressait en 1815 à
Mme de Montebello et que M. Édouard Gachot a reproduites dans
son excellent ouvrage : « Marie-Louise intime »
« Dans peu de jours j'irai rejoindre mon fils à Schoenbrunn.
Vous me demandez ce que je veux dire par : Je veux le faire élever
dans les principes de ma patrie, et je m'en vais vous l'expliquer
; je veux en faire tout à fait un prince allemand, aussi loyal,
aussi brave ; je veux, quand il sera grand, qu'il serve sa nouvelle
patrie et qu'il devienne digne d'être comparé à
Léopold le Glorieux, ou au Prince Eugéne ( Eugène
de Savoie) ; ce seront ses talents, son esprit, sa chevalerie qui devront
lui faire un nom, car celui qu'il a de naissance n'est malheureusement
pas beau, et j'espère qu'il réalisera mes espérances
et qu'il fera la consolation de mes jours et de ceux de son grand-père...
»
Voilà ce que Marie-Louise voulait inculquer à son fils
: le mépris de sa patrie, le mépris du nom de son père
; voilà ce qu'elle voulait faire de l'enfant du plus grand des
Français : un Allemand.
Cette impératrice des Français était restée
Autrichienne jusqu'aux moelles.
Mais comme type de Boche invétérée,
nous avons, dans notre histoire, bien mieux encore que Marie-Antoinette
et Marie-Louise: c'est la Princesse Palatine Élisabeth-Charlotte,
fille de Charles-Louis, Palatin du Rhin, que des convenances politiques
donnèrent pour femme à Monsieur, frère de Louis
XIV. et qui fut la mère du Régent Philippe d'Orléans.
Dans un livre pittoresque et des mieux documentés : « Une
Allemande à la Cour de France », le docteur Cabanés
vient de faire revivre cette curieuse figure du passé.
Venue toute jeune en France, la Palatine y passa toute sa vie sans manifester
un seul instant des sentiments français, sans s'accoutumer aux
moeurs et aux idées françaises. Boche elle était,
Boche elle resta, par la goinfrerie, par la grossièreté
de ses paroles et de sa tenue, par son mépris pour son pays qui
l'avait adoptée. Elle écrivit sans cesse ; ses lettres
sont plus innombrables que celles de Mme de Sévigné ;
et ces lettres sont toujours écrites en allemand. A chaque instant
on y trouve la preuve de sa haine pour tout ce qui est français.
La Palatine, femme d'un prince français, belle-soeur du roi,
détesta la France à tel point, qu'elle ne se fît
pas faute - la chose est avérée - de la trahir d'y faire
de l'espionnage au profit de son pays d'origine.
« Lorsqu'elle arriva en France, pour devenir la compagne de Monsieur,
écrit le docteur Cabanès, Elisabeth-Charlotte avait amené
avec elle tout un personnel allemand, dont elle ne se sépara
qu'à regret. Un usages fondé sur la politique et la tradition,
interdisait aux princesses étrangères mariées en
France de conserver au près d'elles leurs compatriotes ; ainsi
en avait-on agi avec la reine Marie-Thérèse, qui dut renvoyer
tout son entourage espagnol.
» Pour Madame on y mit moins d'empressement. Jamais on ne vit
à la cour de France autant d'Allemands qu'à la fin du
grand siècle lorsque le Palatinat eut donné une belle-soeur
à Louis XIV. Électeurs et landgraves, margraves et rhingraves
se pressaient dans les antichambres de Versailles. C'est avec une pointe
d'orgueil que la Palatine s'écriera : « J'ai en ce moment
dans ma chambre six princes, quatre comtes et plusieurs gentilshommes...
en tout vingt et un Allemands. » Un autre jour, elle déclarera
qu'un « brave et honnête Allemand vaut mieux que tous les
Anglais mis ensemble ».
»Quand elle ne parle pas en allemand avec sa dame d'honneur allemande,
elle lit la Bible en allemand, et, quand elle est plongée dans
ses rêveries, elle soupire après son cher Heidelberg.
» Elle ne s'en cache nullement du reste, elle regarde comme un
grand éloge qu'on dise d'elle qu'elle a le coeur allemand et
qu'elle aime sa patrie par-dessus tout.
Deutschland über alles !
Je n'ai jamais eu déclare-t-elle, les manières françaises
et je n'ai jamais pu les prendre ; j'ai même toujours tenu à
honneur d'être une Allemande et de conserver les manières
allemandes, qui sont ici du goût de peu de gens, »
Elle écrivait :
« Les chiens sont les gens les meilleurs que j'ai trouvés
en France. » Et elle affectait de ne se plaire que dans la société
de ces « Français » à quatre pattes, par mépris
et horreur des Français à deux pattes.
Tout ce qui était français lui déplaisait d'ailleurs
souverainement et elle n'en faisait pas mystère. Elle ne comprit
ou ne voulut jamais rien comprendre au génie de notre race ;
jusqu'à la fin, elle garda les goûts et les préjugés
de son pays natal.
« Toujours, dit le docteur Cabanès, elle montra, une incompréhension
absolue des coutumes et des moeurs françaises ; aussi demeura-t-elle,
dans sa nouvelle patrie, une étrangère, une Allemande
pour tout dire.
» Allemande, elle l'était par son tempérament qui
lui permit de résister aux prescriptions de ses médecins
et de soumettre son estomac à l'hygiène la plus contraire
à cet organe. Elle avait tellement affriandé sa «
gueule allemande » (mein teutscher maud) à des plats allemands,
qu'elle pouvait s'empiffrer de mangeaille, sans dommage pour sa santé.
Elle se flattait d'avoir mis à la mode les jambons crus, la choucroute
et les choux au sucre ; le gibier, dont on ne mangeait guère
avant elle, et les harengs saurs, que le roi avait fini par trouver
fort à son goût. Elle en convenait elle-même : «
Je suis toute Allemande » pour ce qui regarde le boire et le manger,
» et je l'ai été toute ma vie. »
En effet, elle déteste la cuisine française, elle a horreur
de notre excellent pot-au-feu. « Je ne peux souffrir le bouillon,
écrit-elle, et je suis tout de suite malade s'il s'en trouve
un peu dans un des plats que je mange : mon corps enfle, j'ai des coliques,
et il faut que je me fasse saigner ; des boudins et des jambons me remettent
l'estomac. »
A nos meilleurs plats français elle préférait un
plat de choucroute et une bonne soupe à la bière. Mais
la bière de France ne lui paraissait pas buvable.
« Allemande, continue son biographe, elle l'était encore
par l'indécence de ses propos et de ses manières ; en
tout elle ignorait la contrainte, et elle s'en targuait. Fort Allemande
dans toutes ses moeurs... ignorant toute commodité et toute délicatesse
pour soi et pour les autres », selon les termes de Saint-Simon,
elle ne rougissait point de tenir des propos qui, pour toute autre femme,
eussent été un sujet de honte ou d'embarras... »
***
Enfin, un dernier trait caractérise en elle la véritable
Allemande, inassimilable, Boche irrémédiablement.
Cette princesse, devenue Française par son mariage, ne fut jamais
Française de coeur. Dans les conflits entre la France et l'Allemagne,
c'est pour cette dernière qu'elle prend parti.
En 1675, le roi en personne lui apprend qu'il vient de perdre Trèves,
tombé entre les mains des Allemands. Elle dissimule son contentement
devant le monarque, mais dans sa correspondance elle avoue que, lui
parti, elle a « sauté de joie ».
Elle fait pis encore, cette princesse de la famille royale : elle profite
de la sympathies, de la confiance que lui témoigne Louis XIV
; elle profite plus tard de sa situation de mère du Régent
du royaume, pour espionner et transmettre à l'Allemagne les secrets
d'État qu'on lui a confiés.
Louvois, qu'elle appelle « race de vipère » ; Colbert,
qu'elle appelle « race d'anguille » ; puis, plus tard, Torcy,
qu'elle dénomme « crapaud » et l'abbé Dubois
qu'elle traite de « renard », se sont aperçus , que
l'Allemagne était tenue au courant de tout ce qui se passait
et se disait à la cour et dans les conseils du roi. Les lettres
que Madame adressait à ses parents d'Heidelberg ont été
ouvertes et l'on a trouvé l'origine des « fuites ».
« On n'avait pas été, dit le docteur Cabanès,
sans remarquer que la Princesse n'était pas plus réservée
sur les affaires générales du royaume que sur les particuliers.
L'abbé Dubois fut informé par ses agents que des particularités
assez secrètes de la cour de France étaient connues en
Allemagne et ne pouvaient l'être que par le canal de Madame. Le
ministre crut devoir en informer le Régent afin qu'il fit des
représentations à sa mère. Celle-ci jeta les hauts
cris, s'efforçant de faire croire à tout le monde qu'on
la calomniait, que Dubois voulait la brouiller avec son fils.»
Le comte de Seilhac, dans son livre sur l'Abbé Dubois,
raconte que Madame dépassa, dans cette circonstance, tout ce
qu'une femme peut se permettre dans les plus forts emportements, se
livrant à une violence de langage qui n'était ni de son
rang ni de son sexe.
Mais Dubois n'était pas homme à se laisser intimider.
La correspondance de la princesse fut ouverte, et celle-ci dut renoncer
à y insérer des secrets d'État. Il est vrai que,
plutôt que de renoncer à trahir sa patrie d'adoption au
profit de sa patrie d'origine, elle préféra prendre le
parti de faire remettre dorénavant ses lettres directement, par
des émissaires sûrs. Ainsi, elle put continuer à
satisfaire ce premier besoin de toute bonne Allemande : l'espionnage.
En dehors des deux Autrichiennes, la Palatine est la seule princesse
vraiment allemande que la politique ait mêlée à
notre histoire. Elle est un exemple frappant le ce naturel inassimilable
dont témoignent des Boches transplantés à l'étranges.
Après de nombreuses années passées à la
cour la plus policée de l'Europe, elle demeurait aussi grossière
qu'à son arrivée ; et cette princesse de la maison royale
de France n'arrivait jamais à éprouver pour la France
d'autre sentiment que la haine et le mépris.
Quand on est Boche, voyez-vous, c'est pour toujours.
Ernest LAUT
Le Petit Journal illustré
du 14 janvier 1917