Le général Putz

Le général Putz compte parmi les
chefs qui, depuis le début de la guerre n'ont cessé d'exercer
des commandements importants et de témoigner de la plus grande
activité.
C'est un Lorrain. Il est né à Metz en 1859. Son arme est
l'artillerie. Sorti de l'École polytechnique en 1875, il était
capitaine en 1886 colonel en 1907, général de brigade
1911. En 1912, il recevait la cravate de commandeur de la Légion
d'honneur.
Avant la guerre, il commandait par intérim la 28e division d'infanterie
à Chambéry.
Il fut eu 1915, commandant de l'armée les Vosges. Il est aujourd'hui
le collaborateur du général Gouraud, commandant d'armée.
VARIÉTÉ
Les goinfres
L'appétit des Boches. - Leur
gros ventre. -- Brassicaires et porcophiles. - Ce qu'il en coûte
de se tenir mal à table.
Si nous en croyons les lettres trouvées
sur les prisonniers boches à la suite de nos récentes
offensives victorieuses de la Meuse et de I'Yser, l'Allemagne, au fur
et à mesure que se prolonge la guerre, ne souffre plus seulement
dans son orgueil ; elle souffre plus encore, s'il est possible dans
son appétit.
Et vous pensez si la souffrance est cruelle pour un peuple qu'on considère
à juste titre comme le plus goulu de l'univers. Ne plus plus
manger à sa faim, ne plus boire à sa soif, manquer de
saucisses et de pommes de terre, n'avoir en guise de bière, qu'une
« bibine » insipide où il y a de tout, sauf de l'orge
et du houblon, c'est pour les Boches la pire des calamités.
Une paysanne allemande écrivait à son mari au front :
« Pourvu que tu reviennes, même s'ils te manque un bras
ou une jambe, ça ne fait rien... Le malheur c'est qu'il n'y a
plus de cochons... »
Oui, voilà le plus grand malheur : c'est qu' il n'y a plus de
cochons. Or, je ne sais pas si les cochons pourraient vivre sans les
Boches, mais il est bien certain que les Boches ne pourront vivre sans
cochons.
***
La voracité est une des caractéristiques de la race ;
l'ivrognerie en est une autre.
Dans sa conférence si bien documentée sur Psychologie
de la race allemande le docteur Edgar Bérillon observe que
le Boche appartient au point de vue anatomique , au « type sous-diaphragmatique
ou abdominal», c'est-à-dire que, chez lui, les organes
contenus dans l'abdomen ont un développement disproportionné
par rapport à ceux qui sont logés dans le thorax. L'Allemand
est pansu.
« C'est de là, dit le docteur Bérillon, qu'il tire
son caractère spécifique le plus tangible et le plus essentiel.
« A toutes les époques de notre histoire ajoute-t-il, cette
proéminence du ventre avait frappé les Français
qui s'étaient trouvés en contact avec les Allemands. Le
chevalier Bayard, devant Mézières, recevant d'un général
allemand une sommation offensante, lui répondit d'une façon
aussi laconique que spirituelle :
Bayard de France
Ne craint ni roussin ni panse
D'Allemagnes ...
Entre autres de l'hypertrophie spécifique
du ventre allemand, le médecin cite ce fait : « Chez les
marchands d'objets funéraire, les cercueils faits d'avance, selon
l'usage courant en Allemagne, présentent une hauteur qui nous
parait exagérée. S'il vous prend la fantaisie d'entrer
et de demander au marchand la cause de cette surélévation,
il sera étonné de votre demande et vous répondra
que cette dimension est nécessaire si l'on veut que le ventre
du défunt puisse s'y loger. »
Ce développement de la bedaine des Boches s'explique par cette
constatation qu'ont faite les anatomistes : l'intestin, dans la race
allemande, est beaucoup plus développé en longueur que
dans les autres races occidentales ; et cet accroissement porte particulièrement
sur le gros intestin, dont la capacité est développée
dans les mêmes proportions.
Maintenant, l'Allemand a-t-il un gros ventre parce qu'il mange beaucoup.
ou mange-t-il beaucoup parce que la nature lui a donné à
remplir un intestin aux dimensions excessives ? Sa voracité est-elle
cause ou effet ? Je l'ignore et me soucie peu de le savoir. Un fait
est avéré : c'est que le Boche n'est pas goinfre d'aujourd'hui.
Les plus anciens historiens ont constaté sa goinfrerie. Tacite
en parle à maintes reprises dans son livre sur les Mœurs
des Germains. Il constate même déjà leur préférence
pour la viande de porc. Et il ne manque pas de signaler leurs habitudes
d'ivrognerie.
« Ils n'ont aucune honte, dit-il, de passer sans interruption
le jour et la nuit à boire. »
Et, plus loin :
« Si vous encouragez leurs penchants à l'ivrognerie, en
mettant à leur portée toute la boisson qu'ils convoitent,
vous aurez plus de facilité à les vaincre par leurs vices
que par les armes. »
Et l'historien cite un cas où une armée germanique, après
un pillage, avait si copieusement bâfré et bu si abondamment
que tous, soldats et chefs, étaient tombés ivres-morts.
Les ennemis revinrent en force pendant la nuit et les massacrèrent
jusqu'au dernier.
Ce trait ne fait-il pas penser à certains incidents de la bataille
de la Marne. On a dit non sans raison que le vin de Champagne avait
été l'un des artisans de la victoire. En effet, d'innombrables
soldats et officiers allemands s'en étaient tellement gorgés
qu'on n'eut qu'à les ramasser dans un état d'ivresse complète.
On prit même ainsi un général et tout son état-major.
A plus de vingt siècles d'intervalle, le même vice amène
les mêmes effets. L'ivrognerie est funeste aux Boches de Von Kluck
comme elle le fut aux Germains du temps d'Arminius.
***
J'ai reproduit ici naguère une histoire que Jules Huret a recueillie
dans un de ses voyages en Allemagne et que l'on contait volontiers en
Alsace-Lorraine. C'est celle d'un Anglais qui, s'installant à
Cologne, prend une femme pour faire son ménage, et lui, demande
ses conditions.
- Eh bien voilà, dit la femme : j'arriverai à six heures
du matin ; vous me donnerez du café au lait, du pain et du beurre
; à huit heures et demie, du jambon et de la bière ; à
dix heures et demie du café, du pain et de la graisse. A une
heure, le dîner : je prends de la soupe, de la viande, des légumes,
de la bière et du café. A quatre heures, un morceau de
fromage, du café et du pain. A six heures, une tartine avec un
bout de saucisson. A huit heures, pour le souper, vous me donnerez ce
que vous voudrez. Et vous me paierez 3 mark 50 par jour.
- Fort bien, dit l'Anglais. Et si je vous priais de manger toute la
journée, combien me prendriez-vous ?
Cette histoire a l'air d'une charge ; elle est pourtant parfaitement
vraisemblable. La femme du peuple, en Allemagne et l'homme du peuple
naturellement - en temps normal, bien entendu - font de six à
huit repas par jour. Toute cette nourriture qu'ils absorbent n'est pas
très relevée sans doute. Mais, pour le Boche, ce qui importe
c'est la quantité bien plus que la qualité.
Et cette voracité se retrouve à tous les degrés
de l'échelle sociale. Le bourgeois n'est pas moins glouton que
l'ouvrier. J'ai le souvenir de m'être trouvé à table
d'hôte, il y a quelques années dans un hôtel d'Aix-la-Chapelle,
avec une douzaine de commerçants et commis-voyageurs boches.
C'était un jour de grand marché. Ces hommes - pour la
plupart de forts gaillards blonds et barbus -étaient au début
du repas, fort occupés de leurs affaires, et discutaient bruyamment.
Mais, soudain on apporta un énorme carré de porc avec
des choux et une assiette de pommes de terre cuites à l'eau pour
chaque convive. Alors, silence sur toute la ligne : les coudes écartés,
le buste plié, le nez dans leur assiette, ils piquaient des morceaux
énormes de leur couteau, tenu avec la main droite, et les engloutissaient
sans un instant de répit. En moins de temps qu'il ne faut pour
le dire, le carré de porc, les choux, les patates, tout avait
disparu.
« L'Allemand, dit le docteur Bérillon, est brassicaire
et porcophile », c'est-à-dire mangeur de choux et
de viande de porc. Mes douze commis-voyageurs d'Aix-la-Chapelle m'en
firent, ce jour-là, la plus convaincante des démonstrations.
Mais l'Allemand n'est pas seulement un gros mangeur, c'est un sale mangeur.
Il ne mange pas, il bâfre ; il se tient a la table de la façon
la plus disgracieuse, la plus grossière, la plus discourtoise
pour ses voisin.
Avant la guerre, l'attitude des touristes allemands à l'étranger
était partout l'objet de la moquerie et du dégoût.
Quand le dessinateur alsacien Hansi les en raillait, on le condamnait
à l'amende : on le mettait même en prison. Mais ses satires
étaient si justes que les plus graves journaux allemands, voire
même des journaux pangermanistes, étaient obligés
d'en reconnaître l'exactitude et de morigéner leurs compatriotes
pour les manières choquantes dont ils usaient hors de chez eux.
C'est ainsi que l'année qui précéda la guerre,
au mois d'août 1913, pour être précis, on put lire
dans la Gazette du Rhin et de Westphalie, qui passe, à
juste titre, pour l'organe le plus chauvin de l'Allemagne, un long article
dans lequel l'auteur se plaignait de voir ses compatriotes « s'être
donné pour mission de déconsidérer les moeurs allemandes
à l'étranger ».
Il s'agissait en particulier des stations balnéaires de la Suède
méridionale, très fréquentées par les touristes
allemands.
« Leur tenue, écrivait la Gazette, n'est pas de nature
à relever notre prestige dans ce pays. Les peuples du Nord ont
une manière de vivre plus simple que la nôtre... Mais,
la Suède est, comme on sait, le pays de la bonne cuisine. Aussi
ai-je été surpris de ne trouver dans les stations balnéaires
de ce pays qu'une table médiocrement servie. On me consola en
me disant que tout changerait le 15 août ; car alors le service
deviendrait meilleur ; et de fait, la promesse se réalisa. Le
motif ? On attendait que les touristes bruyants et voraces eussent quitté
le pays ; car ceux-là préféraient la quantité
à la qualité.
» ... Avant leur repas, les Suédois ont l'habitude de passer
au buffet où debout ils goûtent à quelques hors-d'oeuvre.
Ces mets ne sont là que pour exciter l'appétit et non
pour le satisfaire. Aussi les hôteliers ne demandent-ils rien
ou un faible prix fixe pour d'utilisation du buffet, laissant d'ailleurs
chacun se servir à sa guise. Or les hôteliers suédois
ont constaté que ce régime est simplement inapplicable
quand les voyageurs allemands sont là ; car dès que quelques-uns
seulement de nos compatriotes se présentent la table de hors-d'oeuvre
est en quelques minutes complètement nettoyée ( mit
Stumpf und Stil. abgefressen), comme si des sauterelles avaient
passé par là. La conséquence fut que ces dernières
années, lors des jeux olympiques, l'usage des hors-d'oeuvre suédois
fut simplement supprimé et il est question de le limiter de plus
en plus pendant la saison des étrangers. Or les touristes sont
presque exclusivement des Allemands. »
Et la Gazette pangermaniste de conclure : « Plus on est
désireux de se montrer fier de son germanisme, plus il est douloureux
de s'avouer que ce sont toujours en grande partie nos propres compatriotes
qui se distinguent à l'étranger par leurs mauvaises manières.
»
Nous ne le leur faisons pas dire, comme vous voyez. Et comment douterait-on
de leur goinfrerie, quand ils en font eux-même l'aveu ?
Cette gloutonnerie est d'ailleurs le vice inhérent à toute
la race, et il paraît que les législateurs allemands y
succombent tout comme leurs plus vulgaires électeurs.
L'abbé Wetterlé, qui fut, avant la guerre, représentant
de l'Alsace-Lorraine au Reichstag, a fait un tableau pittoresque de
l'assaut que messieurs les députés allemands donnent aux
buffets dans les soirées officielles auxquelles ils sont invités.
« Généralement, écrit-il, le chancelier et
ses collaborateurs reçoivent, à neuf heures du soir, dans
leurs salons officiels. Après avoir salué le maître
de la maison, qui se tient près de l'entrée, les invités
se précipitent sur le buffet froid et le mettent au pillage.
C'était toujours, pour moi, le spectacle le plus réjouissant.
On eût dit, vraiment, que tous ces gens-là n'avaient pas
mangé depuis huit jours, quand on les voyait mettre sur leurs
assiettes des pyramides de victuailles. On se pressait, en effet, devant
la grande table, où se trouvaient les « délicatesses
» les plus variées, depuis les jambons de Westphalie, jusqu'aux
« gâteaux en arbres » de Berlin, et consciencieusement,
chaque invité prenait de tous les plats, plaçant sans
scrupules une tarte à la crème au-dessus d'une cuisse
de poulet, pour ne pas faire grâce d'un seul plat à soit
hôte. Les domestiques étaient affolés, tant l'impatience
des convives les mettait sur les dents.
» Leur assiette remplie, les députés s'installaient
à de petites tables, quand ils en trouvaient de libres, sinon
ils dévoraient voracement, debout, leur pitance variée.
Puis, c'était la ruée vers le buffet à vins et
à liqueurs... »
Un peuple a les représentants qu'il mérite, n'est-il pas
vrai ?
Au surplus les Boches ont de qui tenir cet amour de l'empiffrement.
Leur grand ancêtre Attila, à ce que rapporte l'historien
Jornandès, ne mourut-il pas d'indigestion à la suite d'un
repas de noces dans lequel. il s'en était fourré jusque
là ?
La plupart de leurs princes, de leurs électeurs, de leurs rois
et de leurs roitelets ne furent-ils pas des goinfres parfaits ?
Chacun sait que Charlès-Quint était le plus gros mangeur
de son empire. Il déjeunait à cinq heures du matin d'une
volaille bouillie dans du lait sucré et épicé.
- Après quoi il se rendormait. Il dînait à midi
et mangeait de vingt plats. Il soupait deux fois, la première
peu après vêpres, la seconde à minuit ou une heure
du matin. Ce repas était peut-être le plus solide dès
quatre. Après la viande il consommait une quantité énorme
de pâtisseries et de bonbons, et il accompagnait chaque repas
de copieuses lampées de bière et le vin...
Ce régime dura quarante ans, à la fin desquels le sens
du goût, mais non l'appétit, commença à manquer
à l'empereur.
Leur grand Frédéric lui-même bâfrait de la
plus dégoûtante façon. M. Lenôtre nous le
décrit à table :
« Il avale, broie, ronge comme un fauve ; ses mains, sa bouche,
ses joues sont inondés de sauce. Jamais il ne trouve assez épicés
les mets qu'on lui sert : son cuisinier, las de reproches, a l'idée
de saupoudrer les plats d'assa foetida, et ce jour-là le roi
se montre d'un appétit féroce. Il souffre d'horribles
douleurs de goutte : n'importe, il se bourre ; ses indigestions sont
célèbres ; dès qu'il reprend ses sens, c'est pour
réclamer de la victuaille, du pâté d'anguille ou
de Périgueux. Car son affectation de mépris pour tout
ce qui vient de France n'englobe ni nos friandises ni nos bons vins.
Quand, à force de s'empiffrer, il est à la mort, il mange
encore, et comment ! »
Mais le type le plus représentatif de la gloutonnerie allemande,
c'est ce Frédéric 1er de Wurtemberg, dont Napoléon
disait plaisamment que, chaque fois qu'il venait à Paris, il
y arrivait « ventre à terre ». Il avait, en effet,
un abdomen énorme, qui lui descendait jusqu'aux genoux. Quand
il assista au banquet donné a l'Hôtel de ville de Paris
pour célébrer, les noces de l'empereur et de Marie-Louise,
il fallut, à sa place, faire une large échancrure dans
la table, afin qu'il y pût loger son ventre.
***
Ce qui n'est pas moins caractéristique que la voracité
de l'Allemand, c'est sa mauvaise tenue à table. Il fait du bruit
avec ses mâchoires, il met le nez dans son assiette, comme s'il
avait peur de perdre quelque partie de sa nourriture en route, il pique
la viande de la pointe de son couteau et s'en sert comme d'une fourchette.
A tous ces traits on reconnaît l'Allemand à table. On le
reconnaît même si bien qu'il lui en cuit quelquefois.
Au début de la guerre, un Allemand, maquillé en Anglais,
pourvu de papiers incontestables, s'était glissé parmi
nos alliés, sous les apparences d'un fournisseur aux armées.
Il portait, avec une certaine élégance, le costume d'officier,
mais son malheur voulut qu'un jour il eut faim.
Dans une auberge, installé sur deux chaises - car il était
gros - il commanda le plus copieux des menus et se prit à le
manger, en goujat, à l'allemande, couché sur les plats,
enfournant au couteau.
Des officiers anglais, authentiques, déjeunaient près
de lui. Ils virent les abjectes manières du monsieur. «
Ce ne peut être un de nos compatriotes. Il n'y a pas, dans tout
le Royaume-Uni, un seul citoyen pour manger aussi ignoblement »,
estimèrent-ils. L'homme, interrogé entre deux plats, alors
qu'il se curait les dents avec son couteau, dut avouer qu'il était
espion de Bochie. Avant qu'il eût pris son dessert, on le fusilla
derrière l'auberge.
Voilà ce que c'est que de se tenir mal à table, et de
vouloir espionner quand on n'est pas capable de manger proprement.
Ernest LAUT.