Notre Portrait

Le général Brissaud-Desmaillet
Le général Brissaud-Desmaillet
est le chef de cette célèbre division d'alpins qui, au
14 juillet dernier, fut appelée à défiler à
Paris, en récompense de ses hauts faits.
Ce jour-là, le drapeau des chasseurs défila avec eux,
drapeau glorieux entre tous.
Il porte, attachés à sa hampe, la cravate de la Légion
d'honneur, la Médaille militaire, la Croix de guerre. On peut
lire sur la soie qui claque au vent les noms des grandes batailles :
l'Isly, Sidi-Brahim, Solférino, Extrême-Orient, Madagascar,
Maroc. La Grande Guerre y inscrira d'autres noms qui sort ou devraient
être dans toutes nos mémoires : l'Alsace, Vauquois, l'Yser,
Carency, Saint-Mihiel en 1914; Reichakerkopf, Hartmanvillerskopf, le
Linge, Metzeral en 1915 ; la Somme, Bouchavesnes, SaillySaillisel, Cléry-sur-Somme
en 1916 ; le plateau de Craonne, le chemin des Dames en 1917.
Car les vaillants chasseurs de Brissaud-Desmaillet faisaient partie
de l'armée du général Maistre qui, à la
fin d'octobre dernier, s'empara des crêtes qui dominaient nos
positions et nous permit de dominer la plaine du Laonnois. Ce fut une
des plus belles victoires de la guerre. Brissaud-Desmaillet et ses chasseurs
y contribuèrent grandement.
Un des officiers allemands faits prisonniers, dans cette affaire, par
les chasseurs de la division Brissaud-Desmaillet, un commandant de compagnie,
a déclaré en propres termes à l'interprète
qui l'interrogeait :
- Comment résister à de telles troupes ?
« Le général Brissaud-Desmaillet, dit un de nos
confrères, qui l'a vu à l'oeuvre, est un chef jeune, vaillant
et gai ; il se mêle familièrement à ses soldats,
s'occupe de leur confort, de leur hygiène, de leur tenue ; il
leur a donné à chacun une badine comme les Anglais, car
il n'aime pas les voir les bras ballants ni les mains dans les poches.
Ils l'aiment, l'écoutent, lui obéissent. Ce n'est pas
le père du soldat, c'est son grand frère, car il est un
peu chasseur, ayant fait dans cette arme une brillante carrière...
»
VARIÉTÉ
Le nerf de la guerre
La France reine de l'or. - Richesses
aurifères d'autrefois. - Si la Garonne avait voulu. - Mme de
Beausoleil. - Ce que nous donnerait la Guyane si les forçats
travaillaient.
Jamais l'or n'a mérité plus qu'à
présent d'être désigné par cette expression
métaphorique: Jadis, on se battait à bon marché
; aujourd'hui la guerre est ruineuse. Dans les luttes du passé,
on comptait par millions ; on compte par milliards dans celle-ci. Le
crédit est l'arme primordiale, celle qui permet au pays de se
procurer toutes les autres armes en abondance. Et c'est la possession
de l'or qui, seule, donne le crédit.
Garder son or par dévers soi, c'est donc priver le pays du principal
élément de succès dans la guerre ; c'est faillir
au premier, au plus sacré des devoirs envers la patrie.
Est-il des Français qui n'aient pas encore compris cela ?...
On le dit, on le prétend. Ceux-là seraient de mauvais
Français. Mais combien plus nombreux les bons Français
qui l'ont compris et qui ont fait leur devoir. Grâce à
eux, la France est de tous les pays celui qui a gardé toujours,
depuis le début de la guerre, la première place pour l'importance
de son encaisse or.
A fin octobre 1917, cette encaisse était de 5 milliards 326 millions,
alors que celle de l'Allemagne n'était que de 3 milliards 5 millions.
La France est la reine de l'or : c'est une constatation qui ne peut
que nous flatter et nous rassurer et dont tous les Français patriotes
qui ont versé leur or pour la guerre ont le droit d'être
fiers.
***
Et qui sait si, en dehors de son or monnayé et des lingots d'or
qui dorment, en garantie de notre crédit dans les caves de la
Banque, qui sait, dis-je si la France ne pourrait pas, si elle l'avait
voulu, posséder encore plus d'or qu'elle n'en possède.
Qui sait si, en ce moment, elle ne pourrait pas augmenter cette réserve,
par l'exploitation des richesses que, soit dans le sol de la métropole,
soit dans le sol de ses colonies, la nature a mises à sa disposition
?
Nous avons toujours été, en ce pays, trop indifférente
vis-à-vis de ces sortes de ressources. La nature fut si généreuse
pour nous ; elle a donné à notre terre tant de fécondité
que nous nous sommes presque toujours contentés de cueillir les
fruits que nous pouvions atteindre sans efforts, en dédaignant
les autres.
Savez-vous qu'il y eut autrefois des mines d'or en France. Pourquoi
n'y en aurait-il plus ? Les Gaulois, connaissaient l'art de tamiser
le sable des rivières et d'en retirer l'or. Car il y avait en
France des
rivières qui roulaient de l'or. Besançon avait été
surnommée Chrysopolis - ville d'or - à cause
des sables du Doubs qui roulaient des paillettes du précieux
métal. L'exploitation de ces sables était encore
affermée au Moyen Âge.
Si la Garonne avait voulu... disait le bon chansonnier Gustave
Nadaud. Si la Garonne avait voulu, elle aurait enrichi la France, car
la Garonne, comme le Doubs, roulait aussi des paillettes d'or.
Édouard Fournier raconte que Toulouse, au Moyen Âge, avait
toute une corporation d'orpailleurs, -s'en allant, dès
le jour levant, avec un vrai zèle de Californiens, remuer les
sables du fleuve pour lequel le Salat et l'Ariège, qui l'ont
rejoint avant Toulouse, sont les affluents les plus aurifères.
Les paillettes que roule l'Ariège, ajoute-t-il, sont de la plus
grande dimension et du meilleur aloi, comparées à celles
du Rhin ; mais les vrais Pactoles de la France sont la Cèze et
le Gardon, dans les Cévennes. Leurs paillettes ont quelquefois
jusqu'à trois millimètres de diamètre, au point
qu'un Californien s'en contenterait.
Quand ces cours d'eau débordaient, autrefois, les riverains étendaient
sur le rivage des peaux de mouton, sur lesquelles en se retirant, ils
déposaient leurs paillettes. Ne serait-ce pas d'un usage pareil,
se demande l'historien, que serait venue la légende de la Toison
d'or ?
Bref, il est certain que les Gaulois récoltaient de l'or en Gaule.
Strabon et Pline l'Ancien citent diverses mines d'or parmi lesquelles
celles de la région de Tarbes étaient les plus riches.
Et c'était avec le produit de ces mines que l'on fabriquait les
bijoux d'or - dont se paraient les Gaulois, car il est bien évident
qu'on n'importait pas, en ce-temps-là, de métaux précieux
de l'étranger.
Mais il est certain qu'on en exporta, car les Romains après la
conquête de la Gaule emportèrent chez eux tout l'or qu'ils
y trouvèrent ; et la Gaule eut bientôt, en Italie, la réputation
d'un véritable eldorado.
Au Moyen Age, le métier de chercheur d'or n'était pourtant
qu'un métier de gagne-petit ; l'or en paillote, comme
on disait alors, ne rapportait pas toujours ce qu'il coûtait de
soins et de travail. Aussi, après avoir été assez
considérable pour que le roi le crût digne d'être
réglementé par statuts royaux, datés du 12 octobre
1481, finit-il peu à peu par diminuer, puis par disparaître.
Les prospecteurs de mines d'or ne semblent pas avoir été,
à cette époque, plus heureux que les orpailleurs.
- Louis XI croyait aux richesses aurifères de la France. Il avait
publié, en 1472, un édit pour encourager les chercheurs
. Divers travaux furent entrepris sous son règne, et sous le
règne de ses successeurs, mais ils furent à peu près
infructueux.
Il en résulta une telle indifférence pour les recherches
d'or qu'on alla jusqu'à abandonner complètement les mines
jusqu'alors exploitées. Tout travail fut interrompu. Cela vint
a point que, sous Henri III, on croyait, et l'on écrivait que
nous n'avions en France aucune mine d'aucun métal.
Un petit livre sur la cherté de la vie, qui fit grand bruit en
1586, disait : « D'or et d'argent il ne s'en parle point, vu que
nous n'avons mine ni de l'un ni de l'autre, que bien peu d'argent en
Auvergne, qui coûte plus à affiner qu'il ne vaut. »
Cependant, quelques recherches reprirent sous Henri IV. On avait apporté
au roi une pépite provenant, disait-on, de la mine de Saint-Martin-la-Plaine,
dans le Forez. Le Béarnais ordonna qu'on poursuivit les travaux
; mais les mineurs n'obtinrent que de médiocres résultats,
et bientôt la mine fut définitivement abandonnée.
An début du XVII siècle, tout le monde était persuadé
en France que le sous-sol ne recelait de richesses minérales
d'aucune sorte.
C'est alors que se révéla Martine de Berthereau, baronne
de Beausoleil.
***
Mme de Beausoleil mériterait d'avoir sa statue en place publique
et son nom dans tous les livres d'éducation qui parlent aux jeunes
Français d'à présent des grands Français
d'autrefois. Ce fut une femme d'une intelligence supérieure,
d'une science certaine, d'une âme haute et profondément
dévouée aux intérêts de sa patrie. Elle entreprit
de détruire le préjugé qui faisait de la France
un pays au sous-sol pauvre, ,et d'exploiter les richesses dédaignées.
Elle y sacrifia sa fortune, et même sa liberté, car, en
récompense de ses généreuses initiatives, non seulement
on refusa de l'écouter, mais on la mit en prison comme sorcière.
On croyait encore, en ce temps-là que, pour découvrir
une mine, il fallait nécessairement avoir fait un pacte avec
le diable.
Emprisonnée par ses contemporains, ignorée par la postérité,
Mme de Beausoleil est un exemple probant et douloureux de la manière
dont on a généralement traité en ce pays les novateurs:
Son mari, Jean Duchâtelet, baron de Beausoleil, était un
des savants les plus recommandables du commencement du XVIIe siècle.
La chimie, la minéralogie, l'art des mines l'avaient particulièrement
attiré, et il était célèbre dans toute l'Europe
comme un très habile ingénieur.
Sa femme avait fait de nombreux voyages avec lui dans les régions
minières de l'étranger ; elle avait partagé ses
travaux et acquis, dans la science de la découverte et de l'exploitation
des mines, des connaissances égales aux siennes.
C'est elle qui entreprit de démontrer que le sous-sol de la France
contenait d'incalculables richesses de toutes sortes. Elle adressa pour
cela à Richelieu un Mémoire dont le style s'élève
parfois au ton d'une véritable éloquence.
« En France, dit-elle dans ce Mémoire, il se trouve presque
de tout ce qu'on va chercher chez les estrangers. Et en outre, les métaux
sont en ce païs aussi bien que chez les externes. Que si l'Espagne
vante son acier, et l'Allemagne son fer, il y a en ce royaume de très
bonnes mines de fer, et des hommes très capables pour en faire
de très bon acier, et aussi bon que celui du Piedmont ou d'Espagne.
Mesmes, nous avons des mines de fer fort riches en argent, desquelles
Sa Majesté peut tirer grande somme de deniers, outre le profit
qui vient de son dixième, en obligeant les maistres de forge
de faire faire l'essai de leur mine avant que de la fondre. Que si l'Angleterre
se vante de son plomb et de son estain, il y en a en France de pareil
et en plus grande quantité. Si la Hongrie, la Dalmatie et la
Basse-Saxe se vantent de leurs mines d'or et d'argent, la France en
contint de très bonnes ; si l'Italie se vante de ses marbres,
la France en a de toutes les couleurs, et de beaux porphyres, jaspes
et albastres ; si Venise s'exalte de son crystal, elle n'a en cela rien
plus que la France ; si la Haute-Hongrie se glorifie de la diversité
de ses mines, la France en a de toutes sortes et en abondance, comme
aussi de tous minéraux, comme salpêtre, vitriol blanc,
vert et bleu ; si la Pologne a ses montagnes de sel, la France a des
salines en grande quantité et en divers endroits du royaume,
comme aussi grand nombre de fontaines salées. Pour les pierres,
elle a grande quantité de carrières de pierres de taille,
pierres à chaux, meules à moulins, meules à aiguiser
; et quantité de plâtrières de gip, de pierres à
feu, d'esmery gris et rouge ; elle a, comme j'ai dit cy-dessus, des
mines de toutes pierreries fines, comme améthystes, agathes,
émeraudes hyacinthes, rubis, grenats, etc.
La France a aussi de la calamine, du bitume, de la poix, de l'huile
de pétrole, de la houille aussi bonne que celle de Liége,
et des tourbes à brûler, pareillement aussi bonnes que
celles de Hollande. Ce qui me faict dire que si l'Europe est un raccourcy
du monde, la France est un abrégé de l'Europe. »
Ainsi parlait de nos richesses minières cette femme enthousiaste
et convaincue.
Mais personne ne voulut l'écouter. Richelieu lui-même ne
la comprit pas.
Cependant, le baron et sa femme s'étaient mis à l' oeuvre
avec leurs seules ressources. Ils engagèrent toute leur fortune,
et firent venir « à leurs frais et dépens »,
nombre de mineurs hongrois et allemands et les mirent en oeuvre dans
toutes les montagnes du royaume.
Certains bientôt de ce qu'on obtiendrait avec un travail plus
étendu et plus régulier, ils proposèrent l'établissement
d'une administration des mines avec un conseil général
d'ingénieurs. Ce qu'ils demandaient là ne fut réalisé
que sous la Révolution par la création du corps des ingénieurs
des mines. Et ce n'est guère qu'au XIXe siècle qu'on apprécia
la précision des indications qu'ils avaient données sur
les mines françaises. Plusieurs des mines dont on leur est redevable
sont encore exploitées aujourd'hui.
J'ai dit que Mme de Beausoleil fut emprisonnée comme sorcière.
On incarcéra également son mari ; et l'on poussa la cruauté
jusqu'à séparer ces infortunés. Le baron fut mis
à la Bastille ; la baronne à Vincennes. Tous deux moururent
dans leur prison.
Leur exemple, on le conçoit, n'était pas fait pour encourager
les prospecteurs de mines. Les recherches minières furent totalement
abandonnées.
Au surplus, la plupart des gens étaient encore persuadés,
en ce temps-là, que le meilleur moyen d'avoir de l'or était
de trouver la pierre philosophale ; et ce n'était ni dans le
sein de la terre ni dans le sable des fleuves qu'on en cherchait, mais
dans les cornues des alchimistes qui, plus que jamais, suaient sang
et eau devant leurs fourneaux.
Cependant, en 1700, on signalait un filon d'or dans l'Isère,
près du bourg d'Oisans en 1819, un autre en Bresse. Pendant tout
le XIXe siècle, on ne parlait plus de mines d'or en France. Il
est vrai qu'on exploitait maintes mines d'autres métaux et surtout
des mines dont Mme de Beausoleil, avait d'ailleurs signalé l'existence,
des mines de charbon, qui valent bien des mines d'or.
***
Or, il faut croire que les mines du précieux métal, si
riches en France au temps des Gaulois, se sont appauvries d'elles-mêmes,
sans avoir été exploité, car les savants et les
ingénieurs ne considèrent pas la France comme un pays
aurifère et jugent indignes d'être exploités les
quelques gisements sporadiques qui s'y trouvent.
Mais si la France n'est pas riche en or par elle-même, elle pourrait
l'être, si on le voulait, par ses colonies. Il y a de l'or, en
Guinée, à Madagascar et surtout en Guyane. Ces richesses
sont-elles exploitées comme il le faudrait, sautant qu'il le
faudrait surtout en des temps où la métropole n'aura jamais
assez d'or pour sa sauvegarde ?
Il n'y semble guère.
Les placers de la Guyane sont très riches, mais à peu
près inexploités. Ils se trouvent à 200 kilomètres
de la côte, et faute de routes, on n'y peut apporter l'outillage
nécessaire à leur exploitation.
Faute de routes !... Et il y a en Guyane douze mille forçats
qui pourraient cependant être employés à en faire.
Pourquoi le sont-ils pas ?
Les colonies anglaises du Transvaal et de l'Australie ont, dans le cours
d'une seule année, envoyé à la métropole
pour un milliard 800 millions d'or. La Guyane eût pu, dans le
même temps, nous en envoyer au moins le quart si l'on s'était
décidé à faire enfin travailler les forçats.
Ernest LAUT.