Metz et la Lorraine rendues à la France

 

VARIÉTÉ

METZ

La « Florence du Nord », - Convoitises boches.- La Ville, qui s'était donnée à la France, lui revient pour toujours.

« O belle et noble cité ! Il y a longtemps que tu a été enviée...» disait Bossuet en parlant de Metz. Et, de fait, aucune cité, en tous les temps, ne fut plus enviée que celle-ci Par les princes voisins.
C'est qu'elle était belle, en effet, et opulente entre toutes les villes.
« Si Francfort m'appartenait je le dépenserais à Metz », dit un ancien proverbe allemand. Jean Lengnon, qui cite ce proverbe dans son Éloge de Metz, observe combien « Metz la riche », la Florence du Nord, comme on surnommait, exerçait déjà d'attrait sur les Boches en ces temps lointains.
« Comme la cité toscane, dit-il, Metz a fleuri au fleuri au sein d'une riche vallée, entourée de collines harmonieuses, aux flancs desquelles pousse la vigne. Elle s'élève au confluent de la Moselle et de la Seille, la rivière salée ( Salia ).
« Sa prospérité est venue autant que de ses grasses cultures, de sa position sur la grande route du commerce qui mène directement de la Méditerranée au Rhin par le Rhône, la Saône et la Moselle...»
Soumise d'abord à l tutelle de ses événements, Metz ne tarda pas à s'en affranchir par le mouvement communal. Elle eut des lors une organisation autonome, et fut le modèle des républiques du moyen âge.
« Mais, ajoute Jean Longnon, dés le XVe siècle, la vieille citée franche comprit qu'elle ne pourrait rester longtemps libre entre ces puissants voisins, l'empereur d'Allemagne, le duc de Lorraine et le roi de France ; et, volontairement, elle se donna au roi, lui confiant la garde de ses franchises. Dés lors, elle prit la place dans la grande famille française ... »
Quelle ville pouvait se proclamer plus française que celle-ci, qui s'était donnée librement a la France ?... Le libre arbitrage n'est-il pas plus fort que le droit de conquête ?
Cependant les Allemands, en 1871, n'hésitèrent pas à détacher de la France cette ville qui était venue à elle de son plein gré.
Or rappelait ces jours derniers, que Bismarck, tout d'abord, ne songeait pas à garder la cité Lorraine à cause de l'antipathie des habitants pour l'Allemagne.
Mais les généraux de l'état-major le persuadèrent ; « Il ne peut être question d'abandonner cette forteresse, dirent-ils. Metz vaut une armée de 120.000 hommes, Belfort une de 8.000 seulement. »
Bismarck, rapportant plus tard le propos ajoutait :
« Comme il nous fallait une des deux places, naturellement, nous gardâmes Metz . »
Ils la gardèrent près d'un demi-siècle ; c'est-à-dire qu'ils gardèrent la forteresse.
Mais leur présence ne fit qu'affirmer l'antipathie que Metz avait éprouvée pour eux de tout temps ; et, l'âme du pays, ils ne l'eurent jamais.

***
On sait avec quelle ferveur Metz sous le joug allemand, demeura fidèle à la patrie qu'elle s'était choisie. Elle attendait ; elle ne désespéra jamais.
Patiente encore bonne ville ;
On pense à toi...
lui criait naguère le poète Paul Vilaine, un de ses plus illustres enfants. Et il ajoutait :

Nous chasserons l'atroce engeance. , Et ce sera notre vengeance
De voir jusqu'aux petits enfants.
Dont ils voulaient - bêtise infâme !
Nous prendre la chair avec l'âme,
Sourire alors que l'on acclame
Nos drapeaux enfin triomphants !

Le poète les annonçait prochain ces glorieux jours de revanche. Et, s'adressant à la Mute, la Célèbre cloche de la cathédrale qui porte sur ses flancs cette noble inscription : « Je suis là pour crier justice ! », il disait :

Mute, joins à la générale
Ton tocsin, sonneur sépuleral.
Prophétise à ces lourds bandits Leur déroute absolue, entière
Bien au delà de la frontière
Que suivra la volée altière
Des Te Deum enfin redits !
La prophétie est aujourd'hui réalisée. Le maréchal Pétain est rentré dans Metz à la tête de nos poilus ; et la vieille cité volontairement française ; française encore sous le joug étranger; est revenue enfin dans le giron do la France pour n'en plus sortir désormais.
Ernest LAUT.

Le Petit Journal illustré du 8 décembre 1918