Le tunnel entre la France et l 'Angleterre
Se fera-t-il , cette fois ?....
Il y a tout lieu de le croire. L' opinion anglais semble conquise ;
on peut espérer voir s' accomplir enfin cette grande oeuvre qui
doit être si féconde en bienfaits pour l'Angleterre et
pour la France. Ce n' est pas d'aujourd'hui hui qu' il en est question.
Déjà, en 1802, un ingénieur français nommé
Mathieu en avait exposé le projet. Mais on manquait, en ce temps
là, des moyens matériels pour entreprendre de tels travaux.
Un second projet date de 1833 ; il est d' un français encore,
l' ingénieur Thomé de gomond. Un nouveau projet, dû
à deux ingénieurs anglais, fut sur le point d' aboutir
en 1869. La guerre interrompit les négociations. On les reprit
en 1875. L'idée fut alors accueillie avec une faveur égale
dans les deux pays ; Les travaux, même, furent commencés.
En 1882, il y avait déjà, au pied de la falaise de Douvres,
une galerie de deux kilomètres, dont plus de 1500 mètre
s' étendaient sous la mer. Et puis, soudain, tout fut arrêté.
Il avait suffit, pour opérer un revirement complet dans l'opinion
anglaise, d'une sorte de pamphlet répandu à travers le
pays, et dans lequel l'auteur supposait une invasion française
s'opérant par le moyen du tunnel, et Londres mis à feu
et à sang. C'était absurde. Mais chacun sait que, même
chez les peuple les plus sages et les plus forts, l'opinion publique
se pique pas de toujours de raison de logique et de sang froid. A la
faveur de l'entente cordiale, le projet fut repris en 1906. Il n' eût
pas plus de succès. Les mêmes arguments furent opposés
à l' entreprise. Seulement, cette fois , ce n' était plus
l 'invasion française que craignaient les adversaires du tunnel
; c' était l' invasion allemande. « Nous ne voudrions jamais
supposer, disaient-ils, que la France pût nous être hostile
dans l'avenir ; mais une guerre peut éclater entre elle et l'Allemagne
; et qui sait si, au court d'une guerre continentale, les troupes allemandes
n' en viendraient pas à occuper momentanément Calais ?
Dans le cas où le tunnel serait construit, cela nous causerait
de vives appréhensions...» *** Le tunnel coûtera environ 500 millions et sa construction demandera cinq ans. Il consistera en deux tubes capables de supporter le matériel roulant le plus lourd, placés à environ quinze mètres l'un de l'autre et reliés tous les 180 mètre par des galeries transversales qui serviront à la ventilation. Tout le travail de perforation sera effectué dans une couche de chaux grise épaisse de 60 mètre environ, qui au-dessus de la première courbe crétacée, s'étend de la côte Française à la côte Anglaise. La manche ayant une profondeur de 48 mètres, le tunnel sera percé de façon à ce qu' il y ait un plafond de 45 mètres entre lui et l'eau, ce qui constituera une protection plus que suffisante contre toutes attaques par les mines et les sous marins. Les trains seraient mûs par de l'électricité qui sera fournie par une usine génératrice située à l'intérieur dans le comté de kent à16 kilomètres à l' intérieur des terres, et placée sous le contrôle des autorités militaires, comme d'ailleurs le système de ventilation et de pompes. On estime que , le tunnel construit, les échanges de voyageurs et de marchandises entre la France et L' Angleterre seront quadruplés. Le tunnel permettra le transport quotidien de plus de 30,000 voyageurs et de 40,000 à 50,000 tonnes de marchandises dans chaque sens. Le chemin de fer sous la Manche - qui sera électrique - n'aura pratiquement pas de limite à sa capacité. Avec un intervalle de 5 à 10 minutes, on arrivera très aisément à une moyenne de 120 à 150 trains par jour dans chaque sens, et chaque trains remorqué pourra emporter facilement de 1,000 à 1,200 tonnes de charge. Le tunnel n' aura que 32 kilomètres de long ; il sera franchi en l'espace de 30 à 45 minutes, et, pour éviter tout arrêt, la visite de la douane sera effectuée dans le train même. Braves gens qui craignez le mal de mer, un peu de patience encore. Vous pourrez aller à Londres dans une cinquantaine de mois, sans avoir à redouter la fureur des flots Ernest Laut Le Petit Journal illustré 30 Mars 1919 |