France et Syrie

 

La Grande Guerre n'a bouleversé seulement la carte d'Europe ; Elle entraîne également les changements politiques les plus considérables en maints autres points de l'univers. N'a-t-elle pas eu sa répercussion jusqu'au berceau du monde ? En Mésopotamie., en Palestine, en Syrie, les armes victorieuses des alliés ont triomphé de la puissance turque. Là, c'est effondré, le rêve le plus grandiose de l'orgueil téton. Damas, Jérusalem, Bagdad, la route ouverte vers l'Inde, le Bosch a perdu tout cela par l'écrasement de son allié.
Le Conseil suprême des alliés n'a pas encore prononcé définitivement sur les destins Futur de ces régions ; mais du moins le sort du pays syrien est-il fixé dès à présent : fixé suivant les traditions historiques, suivant la volonté même des habitants dont l'attachement à la France, depuis le temps des croisades, n'a fait que grandir en ferveur et en fidélité.
On sait que le jeune Royaume du Hedjaz ne prétendez à rien moins que de la souveraineté sur tous les pays de langue arabe arraché au joug de la Turquie. La série d'un coeur unanime, s’est élevé contre cette prétention. Ceux qui ont mission de parler en son nom n'ont pas eu de peine à démontrer, Par des considérations ethnographiques, historiques et linguistiques que le peuple syrien et le peuple arabe ne doivent pas être confondus comme on le fait souvent ; que les Syriens ne sont pas un rameau de la race arabe mais un peuple indépendant avec sa vie et son origine propre, plus ou moins entamé au cours des âges, jamais effacés, cependant. Et qui peut et doit reprendre conscience de lui-même et de son rôle dans l'histoire de la civilisation.
Cette vie nouvelle, cette existence indépendante sera désormais assurée à la Syrie ainsi qu'elle le désire, c'est-à-dire sous l'égide de la France.
Car l'influence de la France sur les régions du Liban n'a jamais cessé d'être prépondérante. Dès la première croisade, le pays syrien marqua sa fidélité au souverain franc du Royaume de Jérusalem.
Plus tard, c'est aux commerçants français qui s'ouvrent de préférence les ports de Syrie.
La France a des comptoirs et bientôt de véritables colonies dans toutes les « échelles » du Levant. Les rois de France Louis XIV, Louis XV prennent ouvertement sous leur protection les Maronites qui sont les chrétiens du Liban.
Bonaparte, en 1799, trouve un peuple tout frémissant d'amour pour la France. Les Syriens se considèrent comme les Français du Levant M. Murad, dans son livre : la Nation Maronite et ses rapports avec la France raconte qu'en 1836, le prince de Joinville, fils de Louis Philippe fit un voyage en Syrie, et voulut aller admirer les fameux cèdres du Liban. « Arrivé de nuit à Eden, il y trouva une multitude de Maronites, hommes et femmes, accourus pour le voir, et qui, mêlés à la population locale, l'attendant avec des fanaux, le saluèrent avec leur musique et aux cris universellement répétés de : « Vire le fils de notre Roi !...»
En 1869, le second Empire, accomplissant les promesses faites de tout temps par la France, de protéger les chrétiens du Liban, intervenait en faveur des Maronites persécutés par les Druses et les Turcs. Nos soldats trouvaient là-bas un tel accueil que nombre d'entre eux se fixaient dans le pays. Notre distingué confrère M. Rondet-Saint raconte qu'au cours d'un voyage qu'il fit, il y a quelques années en Syrie, il ne fut pas peu surpris de trouver dans la vallée du Nahr-el-Kelb, un petit restaurant français tenu par un descendant d'un de nos soldats de 1860.
Depuis 1882, les Libanais attendaient l'annexion de la Syrie à la France. Ils voyaient dans cet acte le corollaire nécessaire de l'occupation de l'Égypte par l'Angleterre.
Leur espérance, longtemps déçue, est enfin réalisée. Ce pays si français de coeur, est acquis à la France. On sait avec quel enthousiasme y vient d'être accueilli le général Gouraud, haut commissaire du gouvernement français.
Suivant l'heureuse expression de M. Gustave Gautherot, qui fut chef du bureau des opérations des troupes françaises du Levant, là-bas aussi, comme en Alsace-Lorraine, le plébiscite est fait, et désormais, « Chrétiens et Musulmans, Maronites et Druses, ennemis d'hier, fraternisent sous notre égide, au bon soleil de la Paix française ».

Ernest Laut

Le Petit Journal illustré du dimache11 janvier 1920