UNE
NATION RESSUSCITÉE

LA POLOGNE
Un peuple qui, en dépit de toutes
les vicissitudes, garde le sentiment national, ne peut périr,
la Pologne en est la preuve.
Dépecée, partagée à trois reprises entre
ses puissants voisins, supprimée de la carte d'Europe, elle ne
s'est point laissée absorber. Le peuple polonais a gardé,
sous le joug étranger, son caractère, ses traditions,
son âme, Aujourd'hui, la Pologne revit parmi les grandes nations.
Et la France peut se féliciter d'avoir aidé, plus que
toute autre nation, à cette résurrection.
Elle a payé par là une dette de reconnaissance à
cet admirable peuple polonais qui lui a témoigné en tous
temps, même aux époques d'infortune, tant de fidélité
et tant d'amour.
En 1812, lorsque les Polonais envoyèrent à la Grande Armée
80 bataillons et 76 escadrons, le chef de la députation polonaise
présentée alors à Napoléon lui disait :
« Votre Majesté travaille pour la postérité
et pour l'Histoire. Si l' Europe ne peut méconnaître nos
droits, elle peut bien moins méconnaître nos devoirs. Nation
libre et indépendante depuis les temps les plus reculés.
nous n' avons perdu notre territoire et notre indépendance ni
par des traités, ni par des conquêtes, mais par la perfidie
et la trahison. La trahison n'a jamais constitué des droits..
Nous sommes seize millions de Polonais parmi lesquels il n'y en a pas
un dont le sang, les bras, la fortune ne soient dévoués
à votre Majesté. Chaque sacrifice nous paraîtra
léger s'il a pour effet le rétablissement de notre pays
natal, de la Dvina au Dniester, du Borysthène à l'Oder.
L'intérêt de Votre Majesté demande le rétablissement
de la Pologne et certes, l'honneur de la France y est également
intéressé. Depuis trois siècles, la Pologne, dans
ses malheurs, a toujours tourné les yeux vers la France... »
Et la Pologne resta fidèle à la France vaincue comme à
la France victorieuse.
Pourtant Napoléon ne combla pas les voeux des polonais, Plus
tard, à sainte Hélène, il exprima. le regret de
n'avoir reconstitué la Pologne qu'il appelait avec raison «
la clef de voûte de toute l'Europe ».
La grande œuvre de réparation et de justice qu'il eût
pu accomplir alors, qu'il négligea, fut enfin réalisé
par l'entente.
La Pologne est aujourd'hui définitivement reconstituée.
Elle apparaît plus que jamais comme.. « La clé de
voûte de toute l'Europe » : elle est la sentinelle avancée
de la civilisation en face de la barbarie bolcheviste.
Sa mission est grave. On peut compter que. Pour l'assurer. Ni le patriotisme.
Ni l'héroïsme ne lui feront défaut.
Ernest Laut
Le Petit Journal , Dimanche
22 février 1920