Pour éviter les accidents de chemin de fer

 


Après les tragiques accidents qui se sont produits depuis quelques mois et qui, tous, ont été causés par le fait que le mécanicien du train tamponneur n'avait pas vu les signaux à l'arrêt, il nous a paru intéressant de réunir, dans une page, des photographies montrant, d'une part, le système de signaux en usage jusqu'à présent sur tous nos réseaux, et d'autre part, le nouveau système appliqué depuis quelque temps sur les lignes de l'État.
Depuis longtemps déjà, on se préoccupe de remédier aux causes de ces terribles catastrophes.
Lors de la catastrophe de Pont-surYonne, qui avait très sérieusement et trop justement ému l'opinion, les services techniques du ministère des Travaux publics avaient, dit-on, résolu d'adapter aux locomotives un appareil répétant, pour les mécaniciens, les signaux optiques que le brouillard ou d'autres circonstances atmosphériques peuvent empêcher de voir.
Mais rien de pratique ne fut fait dans ce genre, jusqu'à ces derniers temps.
D'autre part, en 1910, à la suite de l'accident de Villepreux, et en 1913, à la suite de celui de Melun, la question se posa de savoir s'il ne serait pas utile de créer sur les chemins de fer un poste nouveau, celui de pilote.
On fit observer alors, avec juste raison, qu'étant données les formidables vitesses de 90 et de 100 kilomètres à l'heure, et les soins multiples que la conduite de la machine impose au mécanicien, celui-ci peut être entraîné à négliger la surveillance des signaux. Et, alors, vous avez d'effroyables collisions, des entassements de cadavres, un matériel considérable détruit : tout cela parce qu'un homme a eu un instant de négligence ou de distraction.
Et tout cela, peut-être, eût été évité si un autre homme se fût trouvé là qui, uniquement préoccupé de l'observation des signaux, eût pu appeler à temps l'attention du mécanicien sur les disques fermés.
Or, il ne s'agissait pas là d'une chose absolument nouvelle. Il parait que cette fonction de vigie existe sur certains lignes de l'étranger.
Un mécanicien français rappelait cela récemment. Il proposait de construire une petite cabine sur l'avant de la machine et d'y placer un pilote qui aurait sous la main la conduite des freins et le sifflet.
Nous ignorons quelle suite sera donnée à cette idée. En attendant, on se préoccupe, dans les chemins de fer, de rechercher les moyens d'éviter les accidents et d'appliquer sur les machines des appareils qui signaleront le danger au mécanicien lorsque, pour une raison quelconque, il n'aura pas vu les disques à l'arrêt.
C'est ainsi que, sur les lignes de l'État, un appareil a été adapté à un certain nombre de locomotives, appareil inventé, dit-on, par un vigneron des Charentes, M. Augereau, et dont le dispositif, emprunté à la télégraphie sans fil, fait automatiquement siffler la locomotive des qu'un mécanicien a franchi, sans les voir, des signaux fermés.
S'il est vrai, comme on l'a assuré au ministère des Travaux publics, que cet appareil a donné de bons résultats, il faut espérer qu'on l'appliquera sans retard sur tous nos chemins de fer.
On ne saurait rien négliger quand il s'agit d'assurer aux voyageurs le maximum de sécurité.

Ernest Laut

Le Petit Journal Illustré du dimanche 29 février 1920