Budgets d'autrefois et d'aujourd'hui
« Budget » d'où vient ce mot de consonance anglaise ? ...Il nous vient d'un vieux vocable français que l'Angleterre,en effet, nous prit jadis et qu'elle nous renvoya après l'avoir déformé. Nos pères appelaient bougette le petit sac de cuir dans laquel ils enfermaient leur argent lorsqu'ils se mettaient en voyage. Nos voisins nous empruntèrent ce mot et en firent budget. Ils appelaient de ce nom le sac contenant les documents que le chancelier de l'Échiquier avait coutume de déposer sur le bureau de la chambre des Communes la suite de son exposé financier. Bientôt,par extension,ils donnèrent le nom de budget à cet exposé lui-même. C'est en 1802 que ce mot apparut pour la première fois dans notre langue, pour désigner la loi concernant les finances,mais on ne commença à l'employer régulièrement qu'à partir de 1814. C'est baron Louis, ministre et secrétaire d'Etat des Finances qui lui fit un sort définitif dans son « Rapport » présenté au Roi sur la situation financière au 1 avril 1814 et sur les budgets des années 1814 et 1815. Mais la chose avait existé longtemps avant le mot. Dés le règne de Philippe-Auguste, on tente en France de mettre un peu d'ordre et de méthode dans la gestion des finances. En 1314, Philippe le Bel prend une ordonnance qui divise en deux parties les recettes et dépenses et y établit une classification ressemblant à ce qu'on appelle de nos jours budget ordinaire et budget extraordinaire.
On s 'y prenait pour établir ces budgets à peu près de la même façon qu'aujourd'hui, c'est à dire qu'on se préoccupait d'abord des dépenses et ensuite des recettes. Chaque année, les administrateurs généraux des finances se réunissaient et faisaient un calcul des dépenses pour l'année suivante. Ils appliquaient pour y pouvoir un impôt général sur toutes les provinces. Si pendant l'année survenait quelque guerre ou quelque occasion de dépenses extraordinaires, on faisait surgir quelque autre impôt. Nos financiers d'aujourd'hui n'agissent pas autrement. Ce n 'est qu'en 1789 que les budget commercèrent à être publiquement discutés au parlement et que le contribuable qui en faisait les frais fut admis à les connaître. Jusqu 'alors il devait se contenter de donner son argent sous forme d'impôts ordinaires, capitalisation, vingtièmes, etc..,sans jamais savoir quel usage on en ferait. Il serait fastidieux de passer en revue tous les budgets de la révolutionn à nos jours. Les dépenses furent relativement modérées pendant tout le XIX siècle.En 1870 elles ne s'élevaient encore qu'à un milliard 790 millions .Mais le XX siècle devais les voir s' enfler démesurément . En 1910 le budget monte à 4 milliards 185 millions. Les dépenses ont en quarante ans, augmenté de 2 milliards 395 millions. Or notez qu'en 1789, le budget n'était que 532.000 livres. En près d'un siècle, de la Révolution à 1870, les dépenses avaient monté infiniment moins que dans les quarante années qui suivirent la guerre franco-allemande. En 1913, nous avons dépassé les cinq milliards. En 1914 la guerre éclate : nous atteignons prés de 15 milliards. Nous arrivons presque à 24 en 1915, presque à 30 en 1916, presque à 38 en 1917 ; en 1918 nous dépassons le 46 milliards ; en 1919,nous sommes à 47 milliards 450 millions. La guerre est finie pourtant, mais il faut en couvrir les frais. Et ce sont les vainqueurs qui les paient, puisqu'on n'a pas pu jusqu'ici - hélas ! - faire payer les vaincus.
Et voici le budget de 1920 :
Où nous arrêterons-nous ?
Ernest Laut .
Le Petit Journal Illustre du dimanche 25 juillet 1920