A propos de la grande quinzaine du poisson à Lorient
LA PÊCHE EN MER
Allons à Lorient
Pêcher la sardine...
Ainsi chantait une ronde d'autrefois car Lorient fût de tout temps
notre grand port sardinier. Lorient est resté, de nos jour, le centre
de pèche le plus important des côtes de Bretagne. Et c'est
à ce titre que sa Chambre de commerce et le syndicat de ses mareyeurs
viennent de prendre une initiative des plus intéressantes au point
de vue économique.
Ils ont organisé, du 29 août au 12 septembre, la « grande
quinzaine du poisson », comprenant une exposition de moteurs marins.
d'équipements de bateaux de pêche et d'appareils frigorifiques
pour la conservation du poisson.
La vie est chère ; il faut user de toutes les ressources d'alimentation
que la nature a mises à notre disposition. Et les ressources de la
mer sont inépuisables.
Le sous-secrétaire d'État au ravitaillement disait naguère
: « La mer suffira à combler le déficit de notre cheptel.
» Elle pourrait y suffire, en effet. Elle pourrait, si elle était
méthodiquement exploitée, suffire même à nourrir
l'humanité. Mais il s'agit seulement de lui demander plus qu'on ne
lui a demandé jusqu'ici et d'habituer le public à manger plus
de poisson.
Pour cela, il faut développer l'industrie de la pêche, amener
les pêcheurs à moderniser leur mode d'exploitation, multiplier
les chalutiers qui vont chercher le poisson loin des cotes, engager les
expéditeurs à posséder les installations frigorifiques
nécessaires pour que le poisson arrive sur les marchés en
parfait état de fraîcheur.
Ce sont les buts que visent les organisateurs de la grande quinzaine de
Lorient, et qu'ils atteindront, souhaitons-le, pour le bien général.
Il y a beaucoup à faire, en France, pour développer d'une
façon pratique l'industrie de la pêche. Un trop grand nombre
de nos pêcheurs restent encore fidèles aux vieilles méthodes
et préfèrent leur antique barque à voiles au bateau
à moteur. On citait dernièrement cet exemple : les deux ports
anglais de Hull et de Reamsey possèdent, à eux seuls, 1.000
chalutiers à vapeur, tandis que la France entière n'en a que
250.
Nous avons quelques ports où l'on fait des efforts sérieux
pour les progrès de la pêche : Boulogne, notamment, qui comptait
déjà, avant la guerre, 111 chalutiers vapeur, et où
les pêcheurs ne craignent pas d'aller jusqu'à Terre-Neuve et
jusqu'à la côte occidentale d'Afrique pour chercher la pêche
abondante. Mais il faudrait que, dans tous nos ports, cet exemple fût
suivi.
Nous avons sur la côte du Sahara, au cap Blanc, des pêcheries
que nous n'exploitons pas assez. Elles sont d'une richesse extraordinaire.
C'est un nouveau « Terre-Neuve ». Dès l'année
1905, on a commencé à y organiser la pêche ; des missions
françaises y ont été envoyées. M. Roume, gouverneur
de l'Afrique occidentale française, y avait fait décider l'aménagement
d'un port pour nos pêcheurs.
On trouve là toutes les variétés de poissons et, en
outre, certaines langoustes vertes qui ne le cèdent en rien pour
la finesse à celles qu'on pêche sur nos côtes.
Le poisson, ramené de ces pêcheries dans des cales frigorifiques,
garde toutes ses qualités. Il ne sera pas difficile d'habituer le
public au poisson frigorifié comme il a accepté la consommation
de la « frigo ».
Mais il faut moderniser les procédés de la pêche et
faire l'abondance sur les marchés. C'est à quoi travaillent
les organisateurs de la grande quinzaine de Lorient. Souhaitons-leur de
réussir, Le succès de leur entreprise se traduirait pour nous
par un bienfait.
E. L.
Le Petit Journal Illustré du dimanche 22 août 1920