VARIÉTÉ
L'ouverture de la chasse
Tout augmente : les chasseurs, à
partir de cette année, paieront plus cher le droit que leur accorde
l'Etat de se livrer à leur plaisir favori.
Le permis de chasse pour la France entière coûte cent francs.
Il est vrai que les chasseurs qui se contenteront de courir sus au gibier
de leur seul département s'en tireront avec la modique somme de 40
fr.
Ce n'est guère que dix francs de plus qu'à l'époque
où fut créé le permis de chasse - lequel s'appelait
alors « permis de port d'arme ».
Tout le monde sait qu'avant 1789, la chasse n'était point ouverte
à tout venant. Elle constituait l'un des privilèges féodaux
qui furent supprimés dans la fameuse nuit 4 août.
C'est à un évêque, Mgr de Chartres, que les roturiers
doivent le droit de pouvoir chasser aujourd'hui tout comme les souverains
et les grands seigneurs autrefois. Ce fut, en effet, ce prélat qui,
le 4 août 1789, présentant le droit exclusif de chasse comme
un fléau pour les campagnes, sollicita l'abolition de ce droit. Messieurs
de la noblesse accueillirent par des acclamations les voeux de Mgr de Chartres,
et un décret fut promulgué le 11 août qui abolissais
les ordonnances régissant la chasse et consacrait pour les propriétaires
le droit de détruire sur leur terrain toute espèce de gibier.
Le décret du 11 août n'indiquait, aucune restriction. En l'absence
de tout frein, le but des nouveaux législateurs se trouva promptement
dépassé. Les chasseurs devinrent légion, et on dut,
par une loi - 22 - 30 avril 1790 - modérer cette fureur cynégétique.
Le droit de chasse fut alors restreint aux propriétaire, seulement.
C'est Napoléon qui eut le premier l'idée de tirer de la chasse
un profit pour l'État. Il créa, le « permis de port
d'arme », dont le coût fut fixé à 30 francs. Mais
il faut croire que cette taxe apparut excessive, car, quelque années
après, elle fut réduite de moitié.
En 1834, le montant des permis de port d'arme fournissait déjà
au Trésor la somme de 1.200.000 francs. Dix ans plus tard, ce chiffre
était presque, doublé.
La loi du 3 mai 1844, dont les disposition,
dont les dispositions sont restées en vigueur jusqu'à cette
année, substitua le « permis de chasse » au permis de
port d'arme. Et en fixant le prix le prix à 25 francs dont 10 attribués
à la commune où le permis était délivré.
Depuis 1875, ce prix s'était augmenté décimes établies
par la loi du 23 avril 1871.
Cette mesure avait eu pour effet de l'élever à 28 francs.
Dont 18 revenaient à l'État.
***
Quand la récolte en céréales
a été bonne, la chasse s'annonce favorable. C'est le cas cette
année. Le lapin, dit-on, pullule, le Perdreau est abondant ; on annonce
d'Algérie et du Maroc, une importante migration de cailles. Bref,
la saison cynégétique s'ouvre sous les plus beaux heureux
auspices, allons chasseur vite en campagne !
Partez plein d'espoir. Mais si vous
ne voulez pas revenir le carnier vide, n'oubliez jamais de mettre en pratique
les précieux « commandement du chasseur » que Deyeux
rédigent en 1835 et qui, pour dater de trois quarts de siècle,
n'ont point cessé d'être d'actualité :
Un fusil trop chargé ne lance que
du feu.
Mais tu ne tueras pas si tu charges trop peu.
Pas de poudre en septembre, en octobre beaucoup.
L'ennemi cuirassé demande un autre coup.
Beaucoup de plombs garnis, mais pique faiblement.
Mais-en la moitié moins, voilà mon sentiment.
Si ton plomb est petit, mets-le, en quart
de coup
Les grains ont plus de force et sont beaucoup encore beaucoup.
Tire sur la perdrix qui fuit directement.
Le dessus de son dos, c'est trop bas autrement.
Perdrix passe en travers, tire un pouce
devant
Ou tu la manqueras 24 fois sur 100.
Perdrix file raz-terre, il faut absolument
Tenir le coup très haut, surtout s'il fait du vent.
Lièvre fuit devant toi, toujours
le tirer,
Au-dessus de l'oreille, et le ramasseras.
Lorsqu'un manque la caille au-dessus d'elle,
on tire.
Et il faut couvrir la pièce avec le point de mire.
Toujours le faisan monte, on le tire trop
bas,
Il faut hausser la mire et même à vingt-cinq pas
Un Seul mot pour finir, heureux qui
s'en souvient :
Tirer haut ce qui fuit: tirer bas ce qui vient.
Nos ancêtres étaient sages ; ces « commandements » pleins de justesse le prouvent. Chasseurs du XX siècle, ne dédaignez pas leurs leçons ; et faites votre profit des bons conseils qui nous viennent du temps où l'on chassait encore le faisan au bois de Boulogne, le perdreau au parc Monceau et le lièvre dans la plaine Saint-Denis.
Ernest Laut
Le Petit Journal Illustré du dimanche 29 août 1920